Deux mois après les élections générales du 20 décembre 2023, la République démocratique du Congo attend toujours la formation d’un nouveau gouvernement devant lancer le second quinquennat de Félix Tshisekedi. L’urgence s’impose dans la mesure où le pays a de nombreuses priorités, notamment la guerre contre les rebelles du M23 appuyés par le Rwanda. Le gouvernement sortant du Premier ministre Jean Michel Sama Lukonde est démissionnaire. La majorité de ses membres, (dont le Premier ministre lui-même), ont démissionné afin d’aller siéger au Parlement, parce qu’ils ont été élus députés.

L’absence d’un nouveau gouvernement fragilise le fonctionnement de l’exécutif. On observe un certain blocage dans la conduite des affaires de l’État. Certes, le gouvernement démissionnaire du Premier ministre Sama Lukonde expédie les affaires courantes, mais du fait de son statut d’intérimaire, il n’a pas les pleins pouvoirs pour agir dans plusieurs domaines. Et le chemin est encore long pour parvenir à la formation du nouveau gouvernement. D’autant plus qu’il y a des étapes constitutionnelles qui ne peuvent être enjambées.

D’abord, un « informateur »

Selon la Constitution de la République démocratique du Congo, avant de former son gouvernement, le président élu ou réélu doit dans un premier temps designer un « informateur », c’est-à-dire une personnalité dont la mission est d’identifier la nouvelle majorité parlementaire à l’Assemblée nationale. C’est une condition sine qua non. L’informateur est appelé à mener des consultations avec les différentes forces politiques représentées à la Chambre basse. Objectif : cartographier de manière formelle le nombre de députés qui acceptent de s’engager dans la nouvelle majorité qui soutient le chef de l’État, mais aussi déterminer ceux qui restent dans l’opposition et les indépendants.

La Constitution donne 30 jours renouvelables à l’informateur pour faire ce travail. A la fin de sa mission, celui-ci va faire son rapport au chef de l’État qui pourra alors nommer un nouveau Premier ministre. Mais pour l’instant, on n’en est pas encore là.

Augustin Kabuya, nommé informateur

C’est le 7 février 2024 que le président Félix Tshisekedi, proclamé réélu par la Cour constitutionnelle, a nommé comme informateur : Augustin Kabuya. Il s’agit d’une personnalité politique bien connue dans le pays, car le concerné n’est autre que le secrétaire général de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti au pouvoir. Augustin Kabuya a déjà commencé ses consultations pour identifier la majorité à l’Assemblée nationale. A ce jour, il a rencontré plusieurs chefs des partis et regroupements politiques qui siègent à la Chambre basse. Ce travail pourrait théoriquement aller jusqu’au mois d’avril. En attendant, le pays sera toujours sans gouvernement. Dans un contexte de guerre dans l’est de la RDC, ce quasi vide institutionnel complique l’équation.

L’informateur a promis de se dépêcher pour rendre ses conclusions le plus vite possible. Le plus tôt serait peut-être début mars 2024. Et même alors, la fin du travail de l’informateur ne signifie pas que le pays a désormais un gouvernement. Loin de là. Car, c’est après avoir identifié les forces politiques en présence au Parlement que le chef de l’État devra nommer son nouveau Premier ministre. D’ores et déjà, plusieurs poids lourds sont pressentis au poste. Entre autres : Vital Kamerhe, Jean Pierre Bemba, Bahati Lukwebo, etc.

La bataille des postes ministériels

Ce n’est pas tout : même après la nomination d’un nouveau Premier ministre, on ne sera pas encore sorti de l’auberge. Car, le futur chef du gouvernement devra lui aussi prendre tout son temps pour mener des consultations en vue de former la nouvelle équipe gouvernementale. Là également c’est une affaire de plusieurs semaines, quand on sait comment se passe la bataille des postes ministériels en République démocratique du Congo. Je parie que ce sera encore une occasion de s’entredéchirer, tant les égos sont très forts dans notre classe politique. Qui doit occuper quel ministère ? Surtout les ministères stratégiques et de souveraineté tels que les Affaires étrangères, l’Intérieur, la Défense nationale, la Justice, l’Economie, etc.

Bref, par rapport à toutes ses pesanteurs, on pourrait espérer le nouveau gouvernement du second mandat de Félix Tshisekedi en principe vers le mois de mai 2024.

Jean Hubert Bondo