Malgré la tenue du Grand Dialogue National organisé par Paul Biya, et l’attribution d’un statut spécial aux régions anglophones, les violences n’ont pas cessé au Nord-ouest et au Sud-ouest du Cameroun.
Le village de Ngarbuh a été la cible d’une attaque menée le 14 février 2020 dans laquelle « au moins 21 civils, dont 13 enfants et une femme enceinte » auraient trouvé la mort, selon un rapport de Human Rights Watch (HRW). Cette attaque survient après qu’un Grand Dialogue National (GDN) ait été organisé par le gouvernement Camerounais, du 30 septembre au 4 octobre 2019, dans le but de régler le conflit qui perdure dans les régions anglophones du Cameroun depuis mi-2016. Cette attaque, qui n’est pas la première depuis la tenue du GDN, laisse penser qu’en fin de compte, cet événement que la majorité des Camerounais réclamaient, n’a pas réussi à détendre l’atmosphère sociopolitique délétère qui règne au pays de Paul Biya.
« Dégâts collatéraux »
Dans un communiqué, le Ministère de la Défense reconnaît la responsabilité de l’armée dans les événements de Ngarbuh, mais dément les allégations de massacre et annonce un bilan de loin inférieur à celui que l’ONU et HRW ont publié. Pour l’armée camerounaise, l’attaque a fait 12 morts parmi lesquels 5 civils dont le décès serait simplement « un malheureux accident, conséquence collatérale des opérations de sécurisation ». En attendant d’en savoir plus, et en espérant que les différentes enquêtes annoncées et réclamées soient menées et livrent leurs conclusions, le constat qui est fait, c’est l’espoir que les uns et les autres avaient placé dans le GDN était vain.
En effet, dès son annonce, le GDN n’a pas eu l’effet d’apaisement escompté, pas plus que sa tenue en fin septembre – début octobre 2019. Au contraire, les groupes séparatistes se sont faits plus menaçants et n’ont pas hésité à passer de la parole aux actes en commettant nombre d’exactions sur les populations ou en s’attaquant aux forces armées et à tout représentant de l’autorité étatique, comme ce fut le cas de Florence Ayafor, gardienne de prison enlevée, torturée et décapitée la veille du début du Grand Dialogue National.
Statut spécial
Au sortir du GDN, auquel ni les leaders séparatistes ni les chefs de guerre ambazoniens n’ont assisté (malgré les invitations envoyées à certains d’entre eux), un certain nombre de recommandations ont été faites au Président de la République dans le but d’apaiser la situation et obtenir enfin un retour au calme. Parmi ces résolutions, l’adoption d’un statut spécial pour les régions anglophones, dont l’assemblée nationale a adopté la loi – loi sur la décentralisation – lors de la session extraordinaire de décembre 2019.
Malgré l’adoption de la loi sur la décentralisation, le statut spécial offert aux régions anglophones du Cameroun reste cependant très éloigné des revendications des activistes anglophones, même les plus modérés qui, contrairement aux sécessionnistes, exigent le retour à l’État fédéral. Inutile donc de dire que ce statut spécial n’a pas réussi à calmer les groupes de combattants, surtout que le corps électoral convoqué, les élections législatives et municipales prévues pour le 9 février 2020 pouvaient être interprété par ces derniers comme une tentative de l’État central de reprendre le contrôle de la zone anglophone.
Un VRAI dialogue s’impose
Le gouvernement camerounais ayant fermé les yeux devant les signes annonciateurs de l’échec des mesures prises lors du GDN, s’est entêté à organiser les élections sur toute l’étendue du territoire. Et ni le boycott du MRC de Maurice Kamto, ni les violences qui ont émaillé la période pré-électorale, n’ont réussi à le faire céder. On s’achemine donc vers un statut quo, car il est évident que la situation après le GDN ne sera pas meilleure d’avant la tenue de celui-ci.
Aujourd’hui, il est impératif que le gouvernement camerounais revoie sa stratégie dans la résolution de la crise anglophone et prenne enfin la peine d’écouter la partie adverse au lieu d’essayer d’imposer ses solutions comme cela a été le cas avec le GDN. Si cela n’est pas fait, il y a de fortes chances que des situations comme celle de Ngarbuh se multiplient à l’avenir et que, en fin de compte, ce soit la population innocente qui paye le plus lourd tribut dans ce conflit – si ce n’est déjà le cas.