À la suite des élections législatives de 2017, le Président de la République du Sénégal a jugé opportun d’appeler à un dialogue politique pour apaiser le climat social mais surtout pour préparer sereinement l’élection présidentielle de 2019. Malheureusement, pour diverses raisons l’opposition dite significative (Pds et alliés, Rewmi, Grand Parti, Fsd/Bj, initiative 2017 etc.) a décidé de ne pas participer aux échanges menés à travers le Cadre de concertations autour du processus électoral.
Les travaux ont suivi leur cours avec les représentants du parti au pouvoir, les non-alignés, et la société civile. Le jeudi 15 mars, le Chef de l’Etat du Sénégal a reçu le rapport issu de ces concertations.
En substance, nous pouvons retenir que les échanges ont conclu à :
– Cinq points de désaccord
– Trois points d’accord
– Cinq points de convergence
– Sept points de recommandations
La prochaine étape, qui est celle de la mise en œuvre de ces recommandations va être cruciale pour des élections libres et apaisées.

L’Assemblée Nationale

Ayant, à sa disposition le rapport des concertations, le Président de la République du Sénégal était attendu sur la suite. Dans ce sens, il a introduit à l’Assemblée Nationale
Le projet de loi portant révision de la Constitution
le Projet de loi n°12/2018 portant modification du code électoral.
Dans l’exposé des motifs, nous pouvons retenir ceci :
« la révision de la constitution fait du parrainage par les électeurs une condition de validation des candidatures aussi bien pour les candidats indépendants qui étaient déjà soumis à cette exigence que pour ceux présentés par les partis et les coalitions de partis politiques légalement constitués. Il s’agit d’impacter les nouvelles dispositions constitutionnelles et d’en tirer les conséquences dans le code électoral ».

le parrainage : nouvelle donne

Selon l’Agence Nationale de Statistiques et de la Démographie, le Sénégal a une population estimée à 15.726.037, Le fichier électoral comportant actuellement environ 6 500 000 inscrits il faut être parrainé par au moins 1% des électeurs inscrits au fichier électoral. 1% correspondant à environ 65 000 parrains répartis dans sept régions du pays. Pour rappel, les candidats indépendants, devaient quant à eux collecter 10.000 signatures pour valider leur candidature.
L’objectif visé par le parrainage pour l’élection présidentielle est de limiter le nombre de candidatures « fantaisistes » avec son corollaire la rationalisation des dépenses liées à l’organisation des élections. Il est vrai que depuis quelques années nous assistons à une floraison de candidats et de listes pour les différentes élections. A titre d’exemple quatorze candidats ont participé à l’élection présidentielle de 2012 et pour les législatives de 2017 47 listes ont été enregistrées. Pour les souteneurs de la loi, celle ci permet de rationaliser les candidatures, de mettre à égalité les candidats politiques et les candidats indépendants, de réduire le coût des élections mais aussi d’économiser les ressources mobilisées ( forces de sécurité, couverture médiatique, moyens matériels et financiers)

Les pièges du parrainage selon l’opposition : Cheval de Troie

Dans la mesure le consensus fait défaut sur cette question, l’adoption rapide du projet en Conseil des Ministres n’est ni plus ni moins qu’un simple « forcing » politique pour un gouvernement en désespoir de cause, selon les membres de l’opposition. A cette proposition de loi. Selon Mouhamadou Ngouda Mboup et Ibrahima Ka  » Le projet de loi instituant le parrainage intégral révise le mode d’élection du Président de la République dans la mesure où il modifie les conditions de recevabilité des déclarations de candidatures, et donc d’éligibilité de tous les candidats à l’élection présidentielle. En cela, il viole, de façon flagrante, l’article 103 alinéa 7 de la Constitution en vertu duquel le mode d’élection du Président de la République ne peut faire l’objet de révision ».

A cela, il faudra rajouter une modification de l’article 57.

Modification de l’article 57

Article 57 de l’actuelle Code électoral 
« Tout Sénégalais peut faire acte de candidature et être élu sous réserve des conditions d’âge et des cas d’incapacité ou d’inéligibilité prévus par la loi »

la proposition de modification
« Tout Sénégalais électeur peut faire acte de candidature et être élu sous réserve des conditions d’âge et des cas d’incapacité ou d’inéligibilité prévus par la loi »
Pour les observateurs, ce mot ajouté subtilement a pour objet de disqualifier Khalifa Ababacar Sall et Karim Meissa Wade, en supposant que ces derniers n’ont pas eu le loisir de disposer des nouvelles cartes d’électeurs car étant dans les liens de la détention.
Aujourd’hui, on note un manque criant de confiance entre les différents acteurs sur des questions primordiales
– La neutralité du Ministre de l’intérieur
– organe devant organisé les élections
Etc

Sinon ,l’histoire étant la conscience critique du présent (Ki Zerbo),les dernières élections organisées par le régime de Macky Sall ont fortement remis en question toute possibilité d’assister à une situation préélectorale et post électorale pacifique au Sénégal. La démocratie est un processus irréversible de souveraineté du peuple .Elle ne peut ni être calibrée ni arrêtée ni désorientée. Le Président de la République semble ignorer qu’il y a une tendance irrévocablement mondiale à l’affirmation de la citoyenneté. Nul besoin de sondages pour mesurer la popularité des uns ou l’impopularité des autres. Ce régime a attisé la crise de confiance à un niveau inédit.
Ceci n’est pas seulement une affaire sénégalo-sénégalaise ,toute l’Afrique nous observe .Personne ne pouvait prévoir ce recul aussi lamentable et ridicule.

Sans la conscience historique, les peuples ne peuvent appeler à de grandes destinées disait Cheikh Anta Diop. C’est pourquoi, il est important de se rappeler que notre si glorieuse histoire démocratique écrite de sang, de sacrifices, d’emprisonnements et d’âpres luttes ne saurait être torpillée aujourd’hui dans une ambiance de complicité passive. Dans ce sens, les prochains jours risquent d’être cruciaux pour la stabilité du pays car nous ne sommes ni à la fin du courage ni à la fin de l’indignation dans ce pays .