Le 12 juin 2017, deux clips audio dans lesquels une élève de 17 ans en classe de 1ère au lycée pour filles de Pietermaritzburg désigne ses camarades de classe noires comme étant des « n***os » ont été téléchargés sur les médias sociaux. Dans les clips, on l’entend proférer cette injure raciale parce que son nom a été mal prononcé et épelé par une autre élève.
Selon les comptes rendus, des membres du personnel et des élèves ont affirmé que la fille était « stressée » en raison de la période d’examens. Au cours d’une assemblée convoquée pour traiter de cette affaire, il a été dit aux élèves « d’arrêter de se lamenter car personne ne s’en souciera plus dans cinq ans… ». Bien que l’élève ait depuis été exclue, suite à une protestation en ligne, on ne peut ignorer le fait que la réaction première de l’école ait été de valider tacitement le racisme. La direction de l’école n’a pas pu formuler une position antiraciste claire, ni prendre de mesure corrective assez vite. En réagissant de la sorte, la direction signifie de fait aux enfants blancs que leur racisme peut être excusé, et fait également peser la responsabilité sur les élèves noires en suggérant que leurs plaintes sont la source du problème.
Les enfants noirs doivent être autorisés à être des enfants et à ne pas avoir à se battre pour affirmer leur humanité dans un espace visant à la fois à les éduquer et à les protéger. Ils ne doivent pas être accablés par la responsabilité des adultes qui les laissent tomber et ceux qui refusent de voir leur humanité.
L’incident rappelle celui du lycée pour filles de Pretoria, où l’année dernière des élèves noires ont protesté parce qu’elles n’étaient pas autorisées à laisser leurs cheveux au naturel, qu’elles étaient accusées de conspiration quand elles marchaient en groupes et qu’elles se voyaient dire qu’elles faisaient des « bruits bizarres » quand elles parlaient leurs langues maternelles.
Après cette protestation, d’autres signalements ont émergé dans d’autres écoles de « modèle C », montrant la façon dont les élèves noirs dans différentes écoles à travers le pays avaient dû enfiler des bonnets de bain sur leur têtes pour déterminer si leurs cheveux étaient « bien coiffés », reçu des avertissements pour avoir parlé leur langue maternelle et s’étaient vus dire que leurs cheveux au naturel étaient « en désordre ». Cela est le résultat d’un détournement des codes de conduite en vue de discriminer et d’exclure, ainsi que d’une mise en œuvre arbitraire de ces codes. Il est clair que notre système éducatif, comme de nombreux autres systèmes sud-africains, continue de souffrir des héritages coloniaux et de l’apartheid perpétués par ceux qui veulent continuer à utiliser nos écoles comme un moyen de maintenir la supériorité de la race blanche.
Bien que des MEC (membres du conseil exécutif) chargés de l’éducation aient réagi rapidement à des allégations, comme nous l’avons indiqué sur amandla.mobi, ils ont traité les problèmes une école après l’autre, ce qui est une manière non durable de traiter ce qui est clairement un problème institutionnel. Cela sape également le rôle de transformation que les écoles peuvent jouer pour changer une société fondamentalement anti-Noirs.
Dans ses réflexions sur l’éducation, l’éminente féministe noire Bell Hooks se réfère à l’éducation comme une « pratique de la liberté » car elle comprend que l’impact de la classe peut et doit aller au-delà de l’enseignement du programme scolaire obligatoire. Elle parle « de cette qualité de l’éducation qui habilite et autonomise et qui nous permet de grandir », en travaillant contre les systèmes qui renforcent la domination et l’oppression.
Cela est particulièrement important dans un contexte sud-africain dans lequel les personnes noires constituent la majorité de la population mais restent pourtant à bien des égards des « cas atypiques » de notre société et de nos institutions. Cela est particulièrement visible dans ces écoles, qui considèrent encore les enfants blancs comme la norme. Cela se reflète dans les règles sur les cheveux et le contenu qui est assimilé par le biais de représentations de la blancheur et par l’incapacité à réagir efficacement aux préoccupations des élèves noirs et à les protéger de manière égale.
Pour véritablement remettre en question les éléments qui renforcent la supériorité raciale et rééduquer ceux qui la perpétuent, mais également soutenir ceux qui en font les frais, le gouvernement doit jouer un rôle de chef de file.
Les MEC chargés de l’éducation dans les provinces doivent revoir les codes de conduite des écoles et s’assurer qu’ils ne sont ni discriminatoires de quelque façon que ce soit ni mis en œuvre de manière arbitraire. Ils doivent aussi se conformer aux directives définies dans les statuts des écoles et leur élaboration doit être réalisée en consultant davantage les parties prenantes, au-delà des instances de direction des écoles, et doit inclure les élèves eux-mêmes. Ils doivent aussi être prêts à reconnaitre et éliminer la tendance inhérente à marginaliser les enfants noirs et à leur demander de se conformer à des façons d’être qui ne sont pas les leurs. Par dessus tout, les structures de direction non transformées des écoles de modèle C doivent être revues et tout le personnel formé quant à la façon de réagir face au racisme sous ses diverses manifestations, en comprenant que le personnel lui-même, comme les élèves et les parents d’élèves, n’est pas immunisé contre ce qui constitue un problème de société.
Bien qu’il reste beaucoup à faire pour garantir aux enfants noirs dans le pays un accès à l’éducation et une vie éducative beaucoup plus équitables, ce sont des étapes importantes pouvant y contribuer, au moins pour ceux qui sont dans ces écoles de « modèle C ».
* C’est une version légèrement modifiée d’une publication initialement publiée par le Sunday Independent.
Image : Piquet d’élèves du lycée pour filles de Pretoria manifestant dans l’enceinte de l’école alors que le MEC du Gauteng pour l’éducation, Panyaza Lesufi, rencontrait la direction de
l’école suite aux allégations de racisme à l’école. Photo : Phill Magakoe