« C’est en défendant les droits des filles et des femmes que nous sommes vraiment à la hauteur en tant qu’hommes ». Desmond Tutu

Quand des militants défendent les filles et femmes ougandaises et lancent un appel à les respecter, n’en faisons pas un appel partisan, comme si les taux de décès maternels n’affectaient que les individus qui ne sont pas membres du parti au pouvoir ou comme si les jeunes filles dont les parents n’ont pas les moyens d’acheter des serviettes hygiéniques n’habitaient qu’une seule région du pays. Ces défis affectent tout le pays, d’une frontière à l’autre. Nous appelons à respecter la fille et la femme car elles sont des êtres humains à part entière, à égalité avec les hommes. Aujourd’hui, en Ouganda, je peux dire avec fierté qu’il existe des femmes qui agissent et excellent dans des domaines où les hommes ont échoué.

Je parle de femmes comme Julia Sebutinde, la première femme africaine à siéger à la Cour internationale de justice (CIJ). Elle est aussi la première femme à avoir mené une enquête sur la police ougandaise, mais ses recommandations n’ont jamais été mises en œuvre par un homme qui a été président pendant trois décennies. Les problèmes qu’elle avait alors mis en avant affectent toujours les forces de police.

Julia Sebutinde est juge ougandaise à la CIJ. Elle est aussi actuellement présidente de la Muteesa I Royal University, une université du royaume du Bouganda. Elle est juge à la Cour depuis mars 2012. Elle est la première femme africaine à siéger à la CIJ. Avant d’être élue à la CIJ, Sebutinde a été juge au Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Un poste auquel elle a été nommée à en 2007.

Margaret Mungherera (paix à son âme), une des femmes qui a défendu les droits des travailleurs de la santé, n’a jamais abandonné sa lutte pour un meilleur système et une meilleure administration des soins de santé.

Winnie Byanyima est la première femme ougandaise à devenir ingénieur aéronautique ; féministe, leader de la gouvernance démocratique et de la consolidation de la paix. Winnie a siégé onze ans au parlement ougandais ; elle a également siégé à la Commission de l’Union africaine et a dirigé l’équipe Genre et Développement du Programme de développement des Nations unies. Elle a cofondé l’Alliance mondiale sur le climat et l’égalité des sexes, qui compte 60 membres, et présidé un groupe de travail de l’ONU sur les aspects liés au genre dans les Objectifs du millénaire pour le Développement et sur le changement climatique.

Pour réussir, ces femmes ont dû se faire respecter et obtenir le soutien d’un pays qu’elles considéraient comme le leur.

L’Ouganda, comme nombre d’autres pays d’Afrique, a accordé la priorité à l’éducation des enfants et en particulier des filles. Une réalisation rendue possible grâce à l’Enseignement primaire universel, introduit en 1997 et qui a permis de voir un taux élevé d’inscription des filles dans le système éducatif ; la parité n’est plus un problème en Ouganda. Selon l’audit sur l’égalité des sexes du ministère de l’Enseignement de 2013, le taux d’inscription dans les écoles primaires était de 50,11 % pour les filles et de 49,9 % pour les garçons.

Une étude réalisée par l’UNESCO a indiqué que l’Ouganda présentait le taux de déscolarisation le plus élevé d’Afrique de l’Est, 75 % des élèves abandonnant leur scolarité, la plupart de ces élèves étant des filles. Bien qu’il existe de nombreux facteurs expliquant la déscolarisation des filles, l’un des plus important est la mauvaise gestion du cycle de menstruation.

Le budget du gouvernement du Kenya de 2016/2017 a réservé 400 millions de KSh pour remédier à ce problème qui contribuait au taux de déscolarisation des filles. Si l’Ouganda était un tant soit peu sérieux, le ministère de l’Egalité des sexes et de l’Enseignement commencerait à écouter et à trouver des moyens pour contribuer à maintenir les filles à l’école.

La première dame ougandaise, Janet Museveni, a indiqué à la nation lors de son entretien sur NTV que des parlementaires ougandais avaient affirmé en privé que la distribution gratuite de serviettes hygiéniques aux filles scolarisées rendrait leurs parents paresseux et que l’idée était de laisser les parents fournir les serviettes hygiéniques à leurs enfants. Cependant, la réalité n’est pas que les parents ont les moyens et refusent de fournir ces serviettes à leurs enfants. Non !

Le fait est que ces parents ruraux n’ont même pas les moyens d’acheter les livres d’exercice pour leurs enfants ; certains enfants qui doivent lire à la lueur des lanternes ne peuvent pas ouvrir leurs livres la nuit car leurs parents n’ont même pas les moyens d’acheter de la paraffine pour allumer ces lanternes. Le récit de la pauvreté dans l’Ouganda rural est un fait réel que nous pouvons décider d’affronter, ou d’ignorer en considérant ces ruraux comme des mendiants qui attendent qu’on leur donne quelque chose.

Pendant deux décennies, M. Museveni a continué à mettre de côté des milliards pour sortir les pauvres Ougandais de la pauvreté, mais une bonne partie de cette somme est utilisée comme une vache à lait par les personnes disposant de solides connexions au sein du système pour s’enrichir encore plus. Ces programmes ont en effet été une source de survie pour des personnes au sein du régime, donc quand un parent à Bukedea vous dit qu’il n’a pas les moyens d’acheter des serviettes hygiéniques, vous pouvez le comprendre. Une étude réalisée à Bukedea sur les filles scolarisées a montré que quand une fille avait ses règles, elle ne venait pas à l’école pendant trois à neuf jours car elle n’avait pas de serviettes hygiéniques. Le défi ne porte pas seulement sur les serviettes hygiéniques, mais aussi sur l’absence d’éducation sanitaire sur les menstruations à l’école.

L’Ouganda peut apprendre de son voisin, le Kenya, et de la participation de son gouvernement à une campagne qui accorde la priorité aux filles. Les budgets nationaux portent sur la fourniture de services, et garantir un avenir aux filles en leur fournissant gratuitement des serviettes hygiéniques peut être une intervention décisive pour l’avenir du pays.

La lutte pour le respect et la protection des filles est une lutte réelle et importante pour notre pays. Nous nous devons d’y faire face En tant que pays !