Toute femme victime de viol peut recourir à l’avortement médicalisé. C’est ce que stipule, entre autres, le protocole de Maputo signé et ratifié par de nombreux pays africains. Mais, dans la pratique, ce principe est loin d’être un acquis pour de nombreuses femmes victimes de viol.

Considéré comme instrument visant à renforcer les droits des femmes et des filles en Afrique, le Protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, dit Protocole de Maputo, a été ratifié par la Côte d’Ivoire et publié dans le journal officiel du 5 janvier 2012 à travers le décret numéro 2016-226.

Ce protocole engage, en son article 14, paragraphe 2.c, les États signataires à « protéger les droits reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l’avortement médicalisé, en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou du fœtus ».

Mais en Côte d’Ivoire et dans la plupart des pays de l’Afrique subsaharienne, de nombreuses femmes victimes de viol sont susceptibles d’avoir recours à l’avortement clandestin, car des barrières existent quant au libre accès à l’avortement médicalisé.

La procédure judiciaire 

Si aucune étude ne permet pour l’heure de déterminer la proportion de femmes victimes de viol qui ont recours à l’avortement clandestin, une étude PMA2020 (Performance Monitoring and Accountability 2020) chiffre les avortements clandestins entre 209 380 et 288 252 par an en Côte d’Ivoire.

En Côte d’Ivoire, l’avortement n’est pas interdit, mais elle est restrictive. Les autorités ivoiriennes ont manifesté une volonté politique à prendre en compte quelques principes du protocole de Maputo. Le Code pénal ivoirien, en son article 427, stipule qu’un avortement n’est pas considéré comme une infraction lorsque : 1. l’interruption de la grossesse est nécessitée par la sauvegarde de la vie de la mère gravement menacée ; 2. le médecin procure l’avortement à une victime de viol à la demande de celle-ci.

L’accès à l’offre d’avortement médicalisé après un viol est soumis à l’obtention d’autorisations judiciaires délivrées par un procureur ou un magistrat, éventuellement à la suite d’un dépôt de plainte à la police, ou d’un constat effectué par des professionnels de santé. Les démarches s’avèrent longues et fastidieuses pour les victimes qui se doivent de supporter les coûts. Aussi, face à la lenteur de la procédure judiciaire, certaines victimes et leurs familles optent-elles pour les règlements à l’amiable.

Le coût élevé du certificat médical

La police judiciaire ou la gendarmerie en charge de l’enquête ont tendance à exiger des victimes qu’elles fournissent un certificat médical. Pourtant, le certificat médical n’est pas obligatoire au moment du dépôt de la plainte.

Le coût du certificat médical qui varie entre 30.000 et 50.000 FCFA (60 et 100 USD) est malheureusement hors de portée pour la majorité des victimes.

En septembre 2019, une mère a lancé un SOS à l’aide aux frais d’hospitalisation pour la césarienne de sa fille de 15 ans sourde-muette victime de viol. La jeune fille a passé 3 jours de coma après avoir donné naissance par césarienne. Par manque de moyens et de peur que sa fille face l’objet de stigmatisation, la mère n’a pas dévoilé le viol de sa fille. La privant ainsi d’assistance médicale et judiciaire. Cette jeune fille n’a pas eu la possibilité de décider si elle souhaitait garder sa grossesse.

Le manque d’information

De nombreuses femmes ignorent leur droit en matière de santé sexuelle et reproductive. Le droit à l’avortement en cas de viol est méconnu par de nombreuses personnes, en témoigne le sondage réalisé sur la page du blog à l’occasion de la rédaction de cet article.

Petit sondage – Savez-vous qu’une femme victime de viol a droit à un avortement médicalisé si elle ne souhaite pas poursuivre sa grossesse ? Répondez juste par Oui ou Non 🙏.

Gepostet von Africa Mousso – Le Blog de Mariam Sorelle am Sonntag, 26. Juli 2020

Les informations sur les services d’avortement médicalisé aux femmes tombées enceintes suite à un viol sont, en effet, très peu vulgarisées. Par manque d’informations, les victimes ne bénéficient pas de l’assistance médicale qui, normalement, devrait réduire le risque de grossesse non désirée à la suite du viol et les protéger contre d’éventuelles maladies sexuellement transmissibles.

« La prise en charge médicale contient des ARV, la contraception d’urgence. Enfin tous les dispositifs pour éviter une grossesse indésirée, les infections VIH et les infections sexuellement transmissiblesfont partie intégrante de la prise en charge. Mais,comme les victimes ne sont pas informées, elles ne vont pas à l’hôpital », soutient Koné Djéneba epse Soro, coordonnatrice du groupe thématique AGnDR. Cette coalition fait le plaidoyer pour une prise en charge complète et sécurisée des grossesses non désirées et à risques, conformément à la législation en vigueur.

Pour une meilleure protection des droits de la femme victime de viol, les autorités ivoiriennes se doivent impérativement d’assurer la gratuité de la délivrance du certificat médical, d’intensifier les campagnes nationales d’information et de sensibilisation sur le droit des victimes de viol à l’offre d’avortement médicalisé, de faciliter l’accès à la justice. Ces mesures éviteraient sans nul doute à une femme victime de viol d’avoir recours à l’avortement clandestin au péril de sa santé et de sa vie.

 

NB: cet article a été initialment publié sur Africa Mousso