Le Congrès régional africain contre la peine de mort s’est tenu du 9 au 10 avril 2018 en  Côte d’Ivoire. Initié par le mouvement « Ensemble contre la peine de mort (ECPM) », ce congrès vise à faire avancer l’abolition de la peine de mort en Afrique. La Côte d’Ivoire qui a abrité ce troisième congrès régional n’a jamais eu recours à l’exécution d’un condamné à mort sur son sol.

De 1960, date de son accession à l’indépendance, jusqu’en 2000, la Côte d’Ivoire a prononcé la sentence capitale à  douze accusés selon les chiffres officiels fournis par le  Ministère de la justice des droits de l’homme et des libertés publiques de l’époque. Les chefs d’accusation étaient, entre autres, les crimes de sang et les crimes jugés graves. André Ossey Ayékoué et Diomandé Hamadou ont ainsi été condamnés à mort pour homicide volontaire respectivement en juillet 1996 et juin 1997. Mais aucun de ces douze condamnés à mort n’a été exécuté.

« La personne humaine est sacrée. Tous les êtres humains naissent libres et égaux devant la loi. Ils jouissent des droits inaliénables que sont le droit à la vie, à la liberté, à l’épanouissement de leur personnalité et au respect de leur dignité. Les droits de la personne humaine sont inviolables. Les autorités publiques ont l’obligation d’en assurer le respect, la protection et la promotion. Toute sanction tendant à la privation de la vie humaine est interdite », stipule l’article 2 de la Constitution du 1er août 2000 qui consacre l’abolition de la peine de mort en Côte d’Ivoire. En mars 2015, toute référence à la peine de mort a été supprimée du code usuel à savoir le Code pénal et le Code de procédure pénal à la suite des réformes du secteur judiciaire mises en place par les autorités ivoiriennes au sortir de la crise post-électorale.

Dans le processus de l’abolition totale de la peine de mort, la Côte d’Ivoire n’a pas encore  ratifié le deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ce protocole est  nécessaire afin de  sécuriser l’abolition de la peine de mort par un engagement international. Le président de l’Action des chrétiens contre la peine de mort en Côte d’Ivoire (Acat-CI), Paul Angama, a  bon espoir que la Côte d’Ivoire va ratifier ce protocole, car dit-il,  les autorités ivoiriennes se sont engagées dans ce sens. « La lutte pour l’abolition de la peine de mort ne doit pas cesser en Côte d’Ivoire. Pour l’instant, il faut faire en sorte que le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques puisse être ratifié par l’État de Côte d’Ivoire. Et à l’avenir, il faut se battre pour que les exécutions sommaires types populaires cessent », soutient-il.

La nécessaire touche des médias

La ratification du protocole étant un processus universel et irréversible de l’abolition de la peine de mort en Côte d’Ivoire, les médias doivent s’impliquer davantage dans  la sensibilisation et la mobilisation autour de la peine de mort pour que celle-ci puisse être définitivement abolie en Côte d’Ivoire.

Et pourtant, on peut le dire sans risque de se tromper la peine de mort est tout sauf un sujet qui fait l’actualité en Côte d’Ivoire. Peu d’écrits et d’émissions y sont consacrés. Innocent Foto ancien journaliste et animateur de  la RTI (Radiodiffusion télévision ivoirienne), reconnait ne pas avoir eu à traiter des sujets sur la peine de mort.

Alfred Dan Moussa, président de l’Union internationale de la presse francophone (UIPF) depuis 2008, lui non plus, ne se souvient pas avoir traité ce sujet pendant sa longue carrière de journaliste au quotidien gouvernemental, Fraternité Matin. « Je ne suis pas sûr que tous les médias sachent qu’en Côte d’Ivoire la peine de mort fait partie de nos textes. Je le confesse, je ne me souviens pas de procès qui ait débouché sur un tel verdict. On pourrait aujourd’hui avec l’aide des nouvelles technologies avec un clic être informé sur la peine de mort en Côte d’Ivoire, mais en termes de culture et d’information sur la peine de mort, cela est presque inexistant», affirme  Alfred Dan Moussa. Pour le patron des journalistes francophones, le rôle premier des médias ivoiriens, en ce qui concerne l’abolition de la peine de mort, serait avant tout d’informer et de sensibiliser les populations sur la question.

Cette sensibilisation est d’autant plus nécessaire qu’en mars dernier à la suite du meurtre d’un petit garçon, âgé de 4 ans, dénommé Bouba, certaines voix s’étaient élevées pour souhaiter la réintroduction de la peine de mort dans le pays.

La Côte d’Ivoire, pays abolitionniste de fait et aujourd’hui de droit, pourrait être un porte-voix dans l’abolition de la peine de mort en Afrique. Cela avec le concours de la société civile, l’implication des médias et la volonté politique.