Cela a commencé comme un ballon d’essai sur les réseaux sociaux, mais aujourd’hui c’est le sujet qui alimente toutes les conversations en République démocratique du Congo. La congolité. L’idée a été lancée par Noël Tshianyi, candidat malheureux à la présidentielle de 2018. Pour lui, tout candidat à la fonction de président de la République doit être « Congolais de père et de mère ».

Aujourd’hui ce qui n’était qu’une réflexion est devenu un projet de loi déjà déposé à l’Assemblée nationale. Pour Noël Tshianyi, initiateur de ce projet de loi, il faut éviter les infiltrations étrangères à la plus haute fonction de l’État.  Problème : certains poids lourds de la politique congolaise se sentent visés. C’est le cas de Moïse Katumbi dont le père serait un Juif d’origine grecque. L’ancien gouverneur du Katanga est un candidat potentiel à la présidentielle de 2023.

La loi Tshianyi empoisonne la vie politique

Alors que le pays connaissait tant soit peu une accalmie entre leaders politiques (excepté le camp Martin Fayulu) depuis la chute du FCC de Joseph Kabila, la loi Tshianyi ouvre les hostilités. L’Union sacrée, la majorité parlementaire autour de Félix Tshisekedi est constituée jusque là de proches de Bemba, Katumbi, Kamerhe et de transfuges du camp de Joseph Kabila. Le parti Ensemble pour la République de Moïse Katumbi estime que c’est Félix Tshisekedi qui serait derrière le projet de loi sur la congolité pour écarter son leader de la prochaine présidentielle. Ensemble menace de quitter la majorité et de rentrer dans l’opposition pour faire échec à la loi Tshianyi. Un député déclarait : « Celui qui osera amener le projet de loi Tshianyi, nous le tuer ! »

Du côté du Front commun pour le Congo, plateforme politique de Joseph Kabila, on se dit aussi contre le projet de loi. Le mouvement citoyen Lucha, la Monusco et les États-Unis ont exprimé une prise de position similaire. Ce qui est curieux est que ce même Front commun de Kabila est pourtant celui qui avait empêché Moïse Katumbi de se présenter à l’élection présidentielle de 2018 sous prétexte qu’il avait une nationalité italienne.

Personnellement, je suis contre ce projet de loi car s’il est adopté au Parlement, il va créer des conflits inutiles au moment où le pays a d’énormes défis à relever, notamment sur le plan sécuritaire, économique, social, etc. Rien que l’idée que Katumbi pourrait être privé du scrutin présidentiel de 2023 en raison de ses origines étrangères suscite déjà des tensions ethniques dans son fief électoral du Katanga.

Congolité, certains applaudissent

Il faut reconnaître qu’une bonne partie de la population congolaise est favorable à la loi Tshianyi. Sur certains médias traditionnels et surtout sur les réseaux sociaux, une phrase devient omniprésente : « De père et de mère nde makambu ! » pour dire « Qui que vous soyez, quoi que vous fassiez, il faut être [Congolais] de père et de mère ! »

Pour essayer de comprendre pourquoi certains Congolais sont favorables à cette loi, j’ai interrogé Matty, une jeune couturière à Kinshasa. Elle soutient la loi Tshianyi et s’en défend en ces termes : « La plupart des problèmes qu’a connus le Congo étaient dûs à l’infiltration des étrangers au sommet de l’État. On a eu dans ce pays par exemple un Rwandais (James Kabarebe) nommé chef d’État major des Forces armées de la RDC. Du coup, tous les secrets-défense du pays fuitaient à Kigali. Voilà pourquoi le Rwanda avait toujours le dessus sur nous. Cette fois-ci nous voulons que les vrais Congolais soient les seuls à briguer la présidence de la République. Les autres se contenteront d’être députés, ministres, mandataires publics, etc. »

Quant à moi, mon souhait le plus ardent est que le Parlement rejette cette loi pour préserver la paix en RDC.