La Tanzanie prend un virage radical dans son approche de la lutte contre la pandémie de Covid-19. Samia Suluhu Hassan, qui a succédé à John Pombe Magufuli à la suite du décès de ce dernier en mars, a clairement montré qu’elle avait l’intention de faire les choses différemment.

Lors de sa première visite officielle à l’extérieur du pays, elle s’est rendue en Ouganda où elle a été vue portant un masque N95 en public pour la première fois. Peu après son retour en Tanzanie, elle a mis en place un groupe de travail chargé d’élaborer une stratégie nationale de réponse à la pandémie, déclarant : « Nous ne pouvons pas nous isoler comme le ferait une île alors que le monde avance dans une autre direction ».

Lors de son récent voyage au Kenya, où elle s’est notamment adressée aux communautés d’affaires des deux pays et au parlement kenyan, elle a promis de travailler avec les organismes régionaux pour harmoniser les mesures de confinement du Covid-19.

Lors de sa première intervention publique après son voyage au Kenya, Mme Suluhu a imposé le port du masque aux délégués participant à une réunion consultative avec les anciens de Dar es Salaam. C’était la première fois que les participants à une réunion publique étaient obligés de porter le masque.

Les vaccins sont sans danger

Lundi, le comité d’experts chargés d’élaborer la stratégie tanzanienne de lutte contre la pandémie a remis son rapport à la présidente à Dar es Salaam. Les experts ont conseillé au gouvernement d’accepter les vaccins contre le Covid-19 en affirmant qu’ils « ont été vérifiés et que leur sécurité a été prouvée ».

Avec ce changement de politique, la Tanzanie va désormais suivre les protocoles de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui avaient été ignorés sous Magufuli.

L’OMS, par l’intermédiaire de ses agences, a conseillé au gouvernement d’aborder la question de la vaccination en rejoignant le programme COVAX sous l’égide de la coalition Gavi. Le programme COVAX vise à s’assurer que les pays les plus pauvres du monde bénéficient d’une même couverture vaccinale malgré leur capacité économique limitée.

L’adhésion au système de partage de vaccins COVAX permet aux pays les plus pauvres comme la Tanzanie d’obtenir des doses pour leurs citoyens. Tous les pays en développement, à l’exception d’une poignée d’entre eux, ont adhéré au mécanisme dans le contexte de la pandémie mondiale.

La commission presse instamment le gouvernement d’utiliser ces instruments pour avancer dans les démarches visant à autoriser l’utilisation gratuite du vaccin contre le COVID-19, en utilisant les vaccins répertoriés par l’OMS pour donner aux citoyens la protection qu’ils méritent.

En janvier, M. Magufuli avait mis en garde les citoyens contre les vaccins du COVID-19 et les avait exhortés à lutter contre le virus en se soignant à la maison, en faisant par exemple des inhalations de vapeur.

Coopération régionale

Les experts recommandent en outre d’intensifier la surveillance et d’appliquer les procédures de confinement si nécessaire. Ils conseillent au gouvernement de renforcer les services de dépistage et de publier des statistiques quotidiennes. En mai 2020, Magufuli a interdit les tests et la publication des données Covid-19 par les agences tanzaniennes.

Ils ont également demandé au gouvernement de consulter des organismes régionaux et internationaux tels que la Communauté d’Afrique de l’Est, la Communauté de développement de l’Afrique australe, l’Union africaine et l’OMS.

Intention de changer

Bien que l’on ne sache pas encore ce que la présidente fera de ces recommandations, la mise en place de ce comité, la réception de ce rapport au parlement, ainsi que ses actions et déclarations à l’extérieur du pays, laissent à penser que la dirigeante souhaite changer de stratégie.

Même si elle était considérée comme l’une des confidentes de feu l’ancien président, Mme Suluhu a montré, par ses paroles et par ses actes, qu’elle n’avait pas peur d’inverser certaines des politiques de son prédécesseur. Lors de son premier discours devant le Parlement, elle a tendu un rameau d’olivier à l’opposition, se démarquant ainsi de l’approche combative adoptée par Magufuli pour traiter avec l’opposition. Cela s’était manifesté par les nombreuses arrestations et les poursuites frivoles dont les politiciens de l’opposition ont pu faire l’objet.

Elle devra toutefois maintenir un équilibre délicat alors même qu’elle tente d’introduire cette réforme et d’autres encore, afin d’éviter de contrarier le cercle des proches de Magufuli, qui détient toujours autant de pouvoir au sein du CCM, le parti au pouvoir.

Cet article a été partiellement rédigé par Sofia Wambura/Sauti Kubwa.