Le Président  de la République  du Sénégal au lendemain de sa réélection a émis le souhait de supprimer le poste de premier ministre. L’Assemblée Nationale du Sénégal a adopté le mardi 04 mai, le projet de révision constitutionnelle visant à supprimer le poste de Premier Ministre.
Retour sur ces réformes constitutionnelles engagées par Son Excellence Macky Sall depuis son accession au pouvoir en 2012.

Reformes « consolidantes »ou « déconsolidantes  » ?

Pour rappel, en 2016 le peuple sénégalais avait été appelé à s’exprimer par voie référendaire sur un projet de réforme constitutionnelle portant sur 15 points, et la suppression du poste de premier ministre ne faisait pas partie de ces points. Ce projet fut adopté par la majorité des sénégalais, avec un taux de 62, 7% des suffrages exprimés.
Cependant, trois ans plus tard, nous sommes en droit de nous poser la question suivante :
A quoi aura servi le référendum de 2016 ?

Le référendum de 2016 avait porté sur les 15 points suivants :

1. la modernisation du rôle des partis politiques dans le système démocratique ;

2. la participation des candidats indépendants à tous les types d’élection ;

3. la promotion de la gouvernance locale et du développement territorial par la création du Haut Conseil des collectivités territoriales ;

4. la reconnaissance de nouveaux droits aux citoyens : droits à un environnement sain, sur leurs ressources naturelles et leur patrimoine foncier ;


5. le renforcement de la citoyenneté par la consécration de devoirs du citoyen ;

6. la restauration du quinquennat pour le mandat présidentiel ;


7. le renforcement des droits de l’opposition et de son Chef ;


8. la représentation des Sénégalais de l’extérieur par des députés à eux dédiés ;

9. l’élargissement des pouvoirs de l’Assemblée nationale en matière de contrôle de l’action gouvernementale et d’évaluation des politiques publiques ;


10. la soumission au Conseil constitutionnel des lois organiques pour contrôle de constitutionnalité avant leur promulgation ;

11. l’augmentation du nombre des membres du Conseil constitutionnel de cinq (5) à sept (7) ;

12. la proposition par le Président de l’Assemblée nationale de 2 des 7 membres du Conseil constitutionnel ;

13. l’élargissement des compétences du Conseil constitutionnel pour donner des avis et connaître des exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant la Cour d’appel ;

14. la constitutionnalisation des principes de la décentralisation et de la déconcentration ;

15. l’intangibilité des dispositions relatives au mode d’élection, à la durée et au nombre de mandats consécutifs du Président de la République.

Trois ans après l’adoption de ces 15 points par les Sénégalais, le constat est éloquent, (force est de reconnaître ) ces réformes tardent à être mises en œuvre, rien de fondamentalement concret, les 15 points dorment encore dans les tiroirs du palais ; ce n’est peut-être pas une priorité, contrairement à tout ce qui a été dit au peuple lors de la campagne référendaire. Et pourtant, des changements majeurs sont entrain d’être effectués sur notre régime(système institutionnel) démocratique. Aujourd’hui, avec la suppression du poste de Premier Ministre, un seizième point vient d’être rajouté aux 15 points toujours en quête de concrétisation.

Pourtant il a été le premier à faire appel au dialogue et à inviter toutes les forces vives de la Nation à le rejoindre pour travailler à l’émergence du Sénégal, pour son deuxième mandat.

Cependant, le premier acte qu’il pose, a été pris sans discussion avec les partis politiques encore moins la population. La suppression du poste de premier ministre modification substantielle de la Constitution du Sénégal a été annoncée par le(actuel ex) premier ministre du Sénégal lui-même, Mouhamed Boun Abdallah Dionne, à la surprise générale.

Selon Thierno Bocoum président du mouvement Agir et ancien député, avec cette réforme « Les députés feront face à des exécutants qui ne peuvent maîtriser la transversalité du gouvernement et ne pourront par conséquent apporter les réponses adéquates quant aux questions qui touchent plusieurs secteurs d’activité comme c’est souvent le cas. Il s’y ajoute que le Président de la République a une mainmise sur l’Assemblée nationale de diverses manières, sans que celle-ci ne puisse le contrôler, en retour, convenablement au nom du peuple. » .

Il n’est donc point besoin de se faire d’illusion, nous aurons la toute puissance du Premier Ministre avec une Assemblée Nationale  incapable de s’assumer et d’assumer les pouvoirs que lui confère le peuple sénégalais. Nous avons eu la preuve lors de l’adoption du projet de loi portant suppression du poste de Premier Ministre , certains députés ont sans sourciller, laisser entendre qu’ils ne comptaient pas exercer pleinement les pouvoirs que leur confère la constitution. Ils ont déclaré être dans des dispositions à voter les lois présentées par l’exécutif sans chercher à comprendre ni le continu ni la portée pour le peuple.
C’est certainement la nouvelle méthode de gouvernance, le mode « fast track », où les députés en plus d’être des godillots, sont désormais couchés pour exécuter à la lettre les vœux du Président de la République.