Après près de trois mois de mesures de confinement, les pays africains se préparent en ordre dispersé à un retour à la normale. Et ce, de peur que la crise sanitaire ne mue en crise économique et sociale bien plus grave.

Dès l’apparition du premier cas de coronavirus sur le sol africain, le 14 février 2020 en Egypte, un vent de panique avait soufflé sur le continent. Dans l’urgence, les chefs d’Etat ont durci les mesures sanitaires pour contrer la propagation du coronavirus. Fermeture des frontières, suspension des liaisons aériennes, interdiction des rassemblements, fermeture des lieux de culte sont quelques-unes de ces mesures prises par de nombreux pays. De plus, pour s’assurer du respect des mesures barrières, certains pays, dont le Sénégal, le Niger, le Togo et le Mali ont décrété un État d’urgence sanitaire et instauré un couvre-feu nocturne. D’autres pays comme l’Afrique du Sud, la Tunisie et le Rwanda ont mis leurs populations en confinement total.

Malgré la vulnérabilité des pays africains face à l’épidémie de Covid-19 du fait d’un manque criard d’infrastructures de santé, le continent contre toute attente a su, jusque-là, faire face à la pandémie de la Covid-19. Selon le CDC, le Centre de prévention des maladies de l’Union africaine, le continent recensait ce vendredi 29 mai 2020, 3.790 décès, 129.565 cas confirmés de coronavirus. L’Afrique reste pour l’heure le continent le moins touché par l’épidémie de coronavirus.

Vivre avec le virus

En l’absence de vaccin, les pays africains tout comme le reste du monde se préparent à vivre avec la covid-19. Face à une économie dont le poids repose sur le secteur informel, les gouvernants en Afrique tentent d’accommoder le système économique à la réalité sanitaire.

Tout au long du mois de mai, de nombreux pays, ont procédé à l’allègement des mesures restrictives imposées dans le cadre de la lutte contre la maladie à coronavirus. Le mois de juin marquera certainement le retour au cours normal de la vie dans de nombreux pays.

L’Afrique du Sud a prévu l’ouverture progressive des écoles primaires et des universités à partir du 1er juin. Au Benin, l’ouverture des lieux de cultes, des transports en commun et des bars a été annoncée pour le 2 juin 2020.

Cette vague de déconfinement n’est pas du goût de tout le monde. Certains craignent que l’assouplissement des mesures entraîne des contaminations massives. C’est le cas de l’Organisation mondiale de la santé qui a invité les dirigeants à donner la priorité au dépistage du coronavirus afin d’éviter une « épidémie silencieuse » en Afrique.

D’ores et déjà en Côte d’Ivoire, le président a décidé d’un retour à la normale à l’intérieur du pays. À la reprise des cours le lundi 25 mai 2020, des cas de coronavirus ont été signalés dans la capitale politique ivoirienne, Yamoussoukro, et au nord du pays dans les villes de Ouangolodougou et de Dikodougou. Ces personnes infectées (un élève de la classe de terminale et deux instituteurs) avaient tous quitté la ville d’Abidjan, épicentre de la Covid-19 en Côte d’Ivoire, pour regagner ces localités à la faveur de la reprise des cours.

« Le retour à la normalité a été quelque peu rapide dans bien de domaines, à l’exemple du rassemblement des personnes qui est passé de 50 à 200 et de la réouverture des maquis avec des restrictions strictes assorties de sanctions sévères pour les contrevenants. Toutefois, ce retour à la normalité est logique, vu l’avancée des connaissances sur la maladie et les moyens de prévention mieux connus aujourd’hui. Pour éviter une déstructuration de l’économie, sans compter le coup dur des mesures sanitaires sur le secteur informel, l’État se voit dans l’obligation de sonner un retour progressif à la normalité malgré l’augmentation des cas, car tout porte à croire que ce n’est pas demain la veille de la fin de l’épidémie. Le nouveau paradigme de sa gestion est donc de vivre avec la maladie. Mais cela suppose que l’État se donne les moyens et donne les moyens aux populations de se protéger » affirme Dr Anicet Zran, Historien de la Santé.

L’un des véritables défis se situe au niveau de la reprise des cours. Les pays africains devront faire face à la problématique des effectifs pléthoriques par classe, la disponibilité des masques et des kits de lavage des mains. Le fait que l’Etat s’engage à offrir des masques jetables aux écoles, est une solution à court terme. Pour l’historien de la Santé, les Etats gagneraient à investir dans la production des masques en tissus. Afin d’assurer une large disponibilité des masques de protection, il préconise d’octroyer des certifications par ville à des couturiers qui seront chargés de la production locale des masques.

Les Etats ne doivent pas avoir l’exclusivité dans la gestion de cette crise sanitaire. La responsabilité étatique et la responsabilité individuelle doivent être de mise. Apres une gestion globalement positive du covid-19 qui a favorisé une lente propagation du virus sur le continent, les chefs d’Etats se doivent à présent de renforcer et d’innover dans la réponse à la pandémie.

Concernant la réouverture des restaurants et lieux de loisir, une surveillance policière est nécessaire pour veiller au respect des mesures barrières et rappeler aux populations que nous ne sommes pas en situation normale.

Tout comme le virus du VIH/Sida, aujourd’hui on en sait plus sur les dispositions à prendre pour minimiser les risques de contamination avec le coronavirus. Les populations doivent s’impliquer dans la riposte contre le covid-19 en observant les gestes barrières. Les collectivités territoriales, la société civile, les chefs religieux, etc. se doivent eux aussi de jouer pleinement leur rôle dans la sensibilisation des communautés.

Si le déconfinement est inéluctable, mal géré il pourrait être fatal pour les populations africaines. L’Afrique semble avoir gagné la bataille contre le Covid-19, elle doit à présent s’armer suffisamment pour appréhender la vie avec le Covid-19.