« Je suis le produit des masses de mon pays et le produit de mon ennemi » – Nomzamo Winifred Zanyiwe Madikizela-Mandela

La route a été longue jusqu’à la liberté pour Winnie Mandela. Même si elle se repose de ses luttes, la marche continue. Cette fois, parmi ceux qui suivent ses pas dans la lutte contre l’Apartheid Global.

Pourtant, certains estiment qu’elle n’est pas digne d’être suivie, encore moins d’être adulée. Comme les amis des Noirs auxquels Ossie Davis se réfère dans « Malcom X » , ils considèrent de leur devoir de nous dire de la honnir. De fuir, même la présence de sa mémoire. Et de nous sauver en l’excluant de son histoire/de l’histoire de notre époque troublée. Comme si Winnie était/est simplement une note de bas de page dans cette histoire.

Ils pensent savoir mieux que la mère de Stompie Seipei, Mananki Joyce Seipei. Ou éprouver davantage de douleur que cette mère qui estime ne pas avoir assez d’informations pour accuser ou condamner Winnie pour le meurtre de son fils aimé dans la décennie sanglante des années 1980.

Winnie n’était pas une sainte. Qui l’aurait été dans l’époque agitée qui a défini l’Afrique du Sud de l’Apartheid. Même pas le Black Pimpernel (le « mouron noir ») qui est ensuite devenu le visage messianique de la « Nation arc-en-ciel ». Ni même l’évêque qui a remporté le Prix Nobel de la Paix.

Frantz Fanon clarifie la façon dont, au cours du processus de décolonisation violente, les « anges » et les « démons » ont été construits. «  Tous les saints qui ont tendu la deuxième joue, qui ont pardonné les offenses, qui ont reçu sans tressaillir les crachats et les insultes sont expliqués, donnés en exemple  » , note-t-il.

D’un autre côté, ceux qui sont plus critiques sont   » progressivement isolés, puis carrément écartés «  .Quand ils ne peuvent être simplement ignorés en raison de leur connexion avec les masses, ils sont éliminés. C’est ce qui est arrivé à Chris Hanu, qui a été assassiné il y a 25 ans jour pour jour en Afrique du Sud.

Il n’était pas facile d’isoler ou d’écarter Mam’ Winnie. J’étais étudiant en Afrique du Sud en 2001 quand le dirigeant du Congrès national africain (ANC) de l’époque l’a bousculée en public au cours du 25e anniversaire du soulèvement de Soweto. Pourtant, en 2007, elle a obtenu davantage de votes que tous les leaders de l’ANC lors de l’élection de son Comité exécutif national (NEC) à Polokwane. Elle est restée une force politique dont il fallait tenir compte.

Certains d’entre nous invoqueraient même un scénario hypothétique pour saisir ce qui aurait pu être. Sans la misogynie, elle serait devenue Présidente de l’ANC et de la République d’Afrique du Sud. Et qui aurait pu mieux servir ces fonctions que celle que Graça Machel appelait sa « grande sœur » qui « aimait son peuple d’un amour inconditionnel et a sacrifié tellement pour notre liberté ».

Une attitude moralisatrice ne doit pas nous empêcher de nous souvenir de cet amour de la part d’une personne qui a déclaré qu’elle était le produit des masses de l’Afrique du Sud. Une personne qui était audacieuse et suffisamment honnête pour reconnaître qu’elle était aussi le produit de ses ennemis. Le produit de l’héritage violent qui a incité sa biographe, Anne Marie du Preez Bezdrop, à faire cette observation douloureuse :

“Il y a quelques années, j’ai vu des photographies de Winnie Mandela dans un magazine, et j’ai remarqué que, jeune femme, elle avait un regard vif, rieur – le regard expressif, saisissant que bon nombre d’observateurs ont commenté. Cependant, dans les photos plus récentes, son regard était vide, comme si sa lumière intérieure s’était éteinte. Je me suis alors demandé quelles épreuves avaient causé une telle métamorphose tragique ».

Adieu Mam’ Winnie. Tu as rempli ta mission. Puissions-nous en faire autant.