C’était une visite mouvementée que celle effectuée à Kinshasa par le président Emmanuel Macron vendredi 3 mars 2023. Avant même qu’il foule ses pieds en RDC, des manifestations hostiles étaient déjà organisées devant l’ambassade de France à Kinshasa. Le président français est arrivé finalement dans la capitale congolaise tard la nuit vers 23 heures. Certainement pour éviter d’affronter les manifestants.

A ma connaissance, c’est la première fois qu’un président français était persona non grata en République démocratique du Congo. Il y avait une telle levée de boucliers parmi de jeunes manifestants dont certains portaient des drapeaux russes.

Sur les murs de l’ambassade de France dans la capitale congolaise, on pouvait lire : « Macron assassin ! » « Macron égal Kagame ! » On pouvait également entendre des cris tels que : « Au secours Poutine ! » Même le président Félix Tshisekedi ne s’est pas déplacé pour aller l’accueillir à l’aéroport. Il s’est fait représenter par son Premier ministre Jean Michel Sama Lukonde.

La brûlante question rwandaise !

En République démocratique du Congo, la population est très préoccupée par la guerre et les atrocités qui se passent dans l’est du pays. Pour l’opinion publique congolaise, le coupable est connu : c’est le Rwanda. Le président Paul Kagame est régulièrement pointé du doigt comme celui qui soutient avec armes et munitions les rebelles du M23. Dans ce dossier, les Congolais n’ont cessé d’accuser la communauté internationale (dont la France) de garder le silence face à l’agression menée depuis plusieurs années sur le territoire congolais par le Rwanda.

Les preuves de cette agression ont plusieurs fois été documentées dans des rapports de l’ONU et des ONG internationales. Du coup, aux yeux de la population congolaise, tout dirigeant occidental qui veut se rendre en RDC n’est pas le bienvenu tant qu’il ne nomme pas ouvertement Kigali dans la déstabilisation de l’est du Congo. La France est particulièrement visée, non seulement en raison de ses relations privilégiées avec le gouvernement rwandais, mais aussi parce que ce sont les troupes françaises de l’Opération turquoise qui, à l’issue du génocide de 1994, avaient laissé les  génocidaires Hutu rwandais entrer et s’installer au Congo avec leur armement. Ce fut le point de départ de tous les malheurs des Congolais dans l’est de leur pays.

Aujourd’hui, les Congolais exigent que la France prenne ouvertement position contre Paul Kagame. Même le gouvernement congolais a eu des mots peu diplomatiques au sujet de l’arrivée du président Emmanuel Macron à Kinshasa. Le ministre congolais de la Communication et porte-parole du gouvernement a déclaré : « Il n’y a pas de place pour l’ambiguïté. Le mal est connu. Il faut le nommer par son nom. Il faut condamner le Rwanda. Les Congolais veulent un engagement clair du président Macron pour le retour de la paix dans notre pays. »

Message bien reçu par Emmanuel Macron ?

Samedi 4 mars 2023, le président français a été reçu par son homologue congolais, Félix Tshisekedi au Palais de la nation, siège de la présidence congolaise. Les deux chefs d’États ont ensuite donné une conférence de presse commune. Sauf qu’elle était très agitée. Dans ces propos, Emmanuel Macron s’est prononcé contre toute velléité de balkanisation du Congo. Il s’est exprimé en ces termes : « La RDC ne doit pas être un butin de guerre. Le pillage à ciel ouvert de la République démocratique du Congo doit cesser. Ni pillage, ni balkanisation ni guerre ! »

Cependant, ce qui était annoncé comme une visite d’amitié et de coopération s’est transformé en une sorte de joute verbale entre les deux chefs d’États. L’un attaquait et l’autre contrattaquait.

« N’accusez pas la France pour quelque chose qui dépend de vous. Depuis 1994, vous n’avez jamais été capables de restaurer la souveraineté ni militaire, ni sécuritaire, ni administrative de votre pays. C’est une réalité, il ne faut pas chercher des coupables à l’extérieur ! », a déclaré Emmanuel Macron. De son côté, Félix Tshisekedi a dénoncé le paternalisme de la France vis-à-vis des pays africains. « La façon de voir les choses lorsqu’elles se passent en Afrique doit changer dans nos rapports avec la France en particulier, mais aussi avec l’Occident. Il doit y avoir du respect dans les considérations que nous avons vis-à-vis des autres », a dit Félix Tshisekedi.

Les questions économiques, culturelles et sanitaires étaient également au menu du séjour d’Emmanuel Macron en République démocratique du Congo. Plusieurs accords bilatéraux de coopération ont été signés entre les deux pays.

 

 

Photo : Just Click’s With A Camera/Flickr