Le 20 mai 2022 marquait la célébration de la cinquantième édition de la fête de l’unité nationale au Cameroun, célébrée dans un contexte de clivage et division qui ne cadre pas avec l’esprit de la journée.

Institué en 1972 suite au référendum à l’issue duquel le Cameroun est passé de république fédérale à république unie, la fête de l’unité nationale se célèbre le 20 mai de chaque année. Ces dernières années, la célébration de cette journée est remise en question lorsqu’on observe le climat de division qui prévaut dans la société camerounaise. Comment comprendre qu’après un demi-siècle la nation camerounaise continue à évoluer dans l’absence totale d’unité ?

Consolider l’unité nationale

Lorsqu’en 1972 la proposition de modification de la constitution est soumise à un référendum, l’objectif affiché est précisément de « consolider l’unité nationale et d’accélérer le développement économique, social et culturel ». Le chemin proposé pour le faire, c’est de changer le statut du pays qui devra passer de république fédérale à république unie du Cameroun. Le « OUI » l’ayant emporté à 99,99% la nouvelle constitution est officiellement adoptée le 2 juin de la même année par Ahmadou Ahidjo qui était alors président de la république.

Mais l’adoption de cette nouvelle constitution ne marquait pas la fin d’un processus comme ont semblé le penser les autorités camerounaises. Ou bien, si c’était le cas, un autre allait commencer, et qui était au moins aussi important que le précédent. C’est ce processus qui devait aboutir à la réalisation d’une promesse, celle de la consolidation de l’unité nationale et du développement du Cameroun sur plusieurs plans.

Lorsqu’on regarde l’évolution des choses au Cameroun au cours des 50 dernières années, l’impression qui se dégage n’est pas celle d’un Cameroun uni et développé. Et ce sentiment est de plus en plus marqué depuis 2016 lorsque la crise anglophone éclate finalement et se transforme en conflit armé.

Défilés et slogans

Qu’est-ce qui explique donc que les choses se soient détériorées à ce point ? Eh bien, comme mentionné plus haut, les autorités camerounaises n’ont pas compris que, une fois la constitution de 1972 adoptée, il fallait résolument se mettre au travail pour effectivement consolider l’unité nationale qui permettrait d’atteindre le développement réel du Cameroun. Au contraire, ces derniers se sont contentés de célébrations régulières d’une unité qui n’existait que sur le papier.

Dans la pratique, au Cameroun l’unité nationale, c’est un slogan et un défilé auquel prennent part civils et militaires chaque 20 mai. Le reste du temps, rien n’est fait qui aille dans le sens de la consolidation de l’unité nationale qui semblait pourtant chère à l’administration en mai 1972 lorsque le référendum constitutionnel était lancé. Mais un défilé suffit-il à développer le sentiment d’appartenance des différentes communautés qui constituent le Cameroun ? Il faut croire que non.

Depuis que la crise anglophone a pris de l’ampleur, la célébration de l’unité nationale se limite pour ainsi dire aux régions francophones du pays. Dans la zone anglophone, les séparatistes imposent les villes mortes et promettent le pire aux populations si elles désobéissent.

Construire l’unité

Ce qui est certain, c’est que chaque camerounais ne se sent pas chez lui partout au Cameroun. Les actes de xénophobie et de tribalisme qu’on a observés dans plusieurs régions du Cameroun des dernières années le prouvent à suffisance. Et si un doute subsistait encore, il suffirait de faire un tour sur les réseaux sociaux pour le dissiper totalement.

Ces événements sont simplement la manifestation que ce qui a été dit jusqu’ici : l’unité nationale n’a jamais été construite au Cameroun. Le gouvernement s’est jusqu’ici contenté de banales célébrations – qui, il faut le relever, coûtent des centaines de millions au contribuable – sans réel impact. Or, sans unité, aucun développement n’est possible.

Le cas de l’entreprise Neo Indsustry qui n’a pas pu implémenter son projet de création de cacaoyères dans la région du Sud du Cameroun parce que certains ont estimé que son promoteur est originaire d’une autre région, est là pour nous le rappeler.

Agir au plus tôt

Le gouvernement camerounais a intérêt à mettre sur pied des programmes qui viseront à construire, puis à consolider l’unité nationale. Chaque ministère peut œuvrer dans ce sens, mais certains ministères notamment ceux de l’éducation de base, des enseignements secondaires et de la jeunesse sont les plus directement concernés.

Revoir le contenu de certaines matières au programme, repenser l’approche pédagogique, imaginer des activités post et périscolaires qui permettent à chaque jeune camerounais d’en apprendre plus sur son pays et sur les différentes cultures qui le composent, renforcer la connaissance des lois qui régissent le Cameroun sont autant de pistes qui, en consolidant l’unité nationale permettront à terme d’accéder au développement promis en 1972.

Moudjo Tobue

Photo : AMISON via Iwaria