C’est désormais une institution. La journée internationale des droits des femmes (JIF) est célébrée les 8 mars de chaque année. En Côte d’Ivoire, le sens accordé à cette commémoration est diversement apprécié. Quatre femmes engagées pour la promotion des droits des femmes se prononcent sur le sujet.

« Le pagne change, mais la condition de la femme ivoirienne reste la même

Le 8 mars est une journée de bilan, c’est l’occasion pour les femmes africaines de mettre à nu les violations et discriminations qu’elles subissent et de revendiquer de meilleures conditions de vie et de travail. Je suis attristée que sous nos cieux, la journée du 8 mars soit conçue et présentée comme un cérémoniel de danses et de festins où chaque année des pagnes sont édités et mis à disposition des femmes pour qu’elles s’embellissent sans pour autant qu’il y ait de très grande avancées pour la situation des femmes. Bien que l’actuel président de la République, son Excellence Monsieur Alassane Ouattara, ait pris plusieurs mesures en faveur des droits des femmes, il reste beaucoup à faire pour la jouissance et l’effectivité de tous nos droits. Chaque 8 mars le pagne change, mais la condition des femmes ivoiriennes, elle, ne change pas ! La commémoration du 8 mars contribuera à lutter efficacement contre les violences faites aux femmes en Côte d’Ivoire quand les Ivoiriennes auront réellement pris conscience du véritable sens de cette journée et quand elles comprendront qu’elles n’ont rien à célébrer ce jour-là mais tout à revendiquer pour l’effectivité de leurs droits dans cette société encore machiste et profondément ancrée dans le patriarcat.

« Il faut que le 8 mars soit célébré comme le 1er mai »

Carelle Laetitia, Conseillère politique genre féminisme

Le constat que l’on fait, c’est que cette date du 8 mars est plus synonyme de festivités qu’autre chose. Il faut que cela change ! Il faut faire du 8 mars une journée de bilan d’actions concrètes. L’Etat et les activistes sur le sujet doivent toute l’année œuvrer à l’atteinte d’objectifs clairs et précis. Et le 8 mars, ils doivent faire le point de ce qui a marché ou pas, et redéfinir les chantiers prioritaires. Il faut prévoir différents événements, des marches, des panels et pourquoi pas un discours du président comme pour le 1er mai. En fait, il faut que le 8 mars devienne comme le 1er mai, un jour où on discute vraiment du sujet, en l’occurence celui de la condition féminine en Côte d’Ivoire. Le 8 mars doit être une journée d’actions, de revendications et de dialogue.

 

« Le 8 mars n’est pas une parure »

Lamazone Wassawaney, ecrivaine engagée dans la lutte contre les violences conjugales

Je suis heureuse que la journée du 8 mars captive nos attentions par la création d’un pagne dédié. J’aime. Mais le 8 mars n’est pas qu’une parure. C’est bien plus. Je prie pour qu’en Côte d’Ivoire nous puissions le comprendre et aller beaucoup en profondeur dans l’expression de nos maux.
Je prie qu’en Côte d’Ivoire, chaque 8 mars commémore la victoire d’un combat mené lors de l’année écoulée et plante le décor pour un autre défi à relever en vue du 8 mars suivant.
Comme je le dis, sapons-nous comme jamais le 8 mars si nous le désirons !
Mais une fois devêtues, que faisons-nous ?
Qu’est-ce une femme parée quand elle ploie de toute cette beauté sous le faix des injustices ?

 

 « À chaque génération son combat »

Tenin Traoré, Féministe – défenseuse des Droits des jeunes à la Santé Sexuel et Reproductif (SSR)

Le vent du féminisme qui souffle aujourd’hui en Côte d’Ivoire a fait comprendre à bon nombre d’associations et de groupements féminins que la journée du 8 mars doit être célébrée autrement. Si traditionnellement, la journée internationale des droits des femmes se résumait à des défilés pour montrer la beauté du pagne de l’événement ou à des discours politiques… de plus en plus cette tendance est critiquée. En effet, ces temps-ci, il y a une polémique sur la toile qui remet en cause la pertinence des pagnes au détriment de sessions de revendications pour améliorer la condition de la fille et de la femme. Pour beaucoup d’activistes, cette approche est désuète et impertinente. Moi, je dis que le changement de comportement n’est pas facile. À chaque génération, son combat. La célébration du 8 mars est pris au piège, entre pagne et revendications. Il y a de la légitimité dans le port du pagne, mais après, il faut voir grand et oser le débat, s’ouvrir à l’échange contradictoire pour mieux apprécier nos acquis et ce qu’il reste encore à acquérir. Les chantiers sont nombreux, les défis énormes, mutualisons nos efforts pour pouvoir faire bouger les lignes positivement en faveur de l’égalité femme-homme. Sans oublier l’éducation, un point essentiel et stratégique pour atteindre cette égalité.