J’ai depuis au moins six ans une coupe afro ébouriffée. C’était le moyen le plus facile de survivre aux sombres journées à l’université, quand je ne voulais pas me donner la peine de défaire trois petites nattes après une nuit entière à lire. C’était pratique et tenait moins chaud à Kampala, et me permettait de prendre une douche quand j’en avais besoin.

Bien sûr, j’ai eu droit à de nombreux commentaires. Beaucoup de « Tu vas vraiment sortir de la maison comme ça ? » de la part de mes soeurs, et de soupirs de ma mère. Finalement, elles décidèrent que l’université m’avait trop abimée et qu’elles avaient maintenant une sœur/fille qui était folle. « Elle est comme ça », ont-elles commencé à expliquer aux amis. Plus tard, dans le monde du travail, ils me disaient « mais t’es comme ça », comme si cela ne devait jamais être contesté, quand je faisais référence à quelque chose qu’un collègue avait dit.

Le principal reproche des membres de ma famille n’était cependant pas que mes cheveux soient naturels. C’était que je refuse de modeler leur forme naturelle sous une forme socialement acceptable. Ils avaient le sentiment qu’il existait de nombreuses possibilités de coiffer mes cheveux africains frisés. Je pouvais les lisser et en faire une queue de cheval, les natter ou, comme elles, apprendre à prendre soin de cheveux permanentés.

Mais ce choix était-il politique ?

Au début, non. Mon choix de coupe de cheveux est vite devenu politique car je devais le défendre. Systématiquement. Parce que malheureusement, le monde n’est pas conçu pour célébrer, ni même autoriser, l’existence des cheveux d’une femme noire. Il faut l’expliquer car ce n’est pas quelque chose de normal. On suppose que c’est politique, car cela va à l’encontre des manières d’être acceptables. Et quand de nombreuses personnes adoptent cette coupe, tout le monde les regarde de travers, se met à soupirer et à dire « les jeunes femmes d’aujourd’hui… ».

Le mois dernier, les élèves de la Pretoria High School for Girls (lycée pour filles de Pretoria) ont manifesté contre le code de conduite de l’école qui interdisait les coupes afros « ébouriffées ». Une étudiante est citée dans The Guardian, affirmant que son professeur lui avait dit que sa coupe afro « empêchait les autres d’apprendre ». La manifestation par les courageuses filles du lycée a attiré l’attention, et de nombreuses personnes inquiètes se sont saisies de Twitter avec le hashtag #StopRacismAtPretoriaGirlsHigh.code-of-conduct (#CesserleracismeaulycéedePretoria.code-de-conduite)

Le code de conduite peut être téléchargé sur le site internet de l’école. Il ne stipule pas spécifiquement que les coupes afro sont interdites. Il stipule la façon dont les cheveux doivent être portés, et aucune n’est compatible avec la coupe afro, qui ne peut être « nette sans cheveux qui dépassent » ou « être portée sur la nuque et non sur le haut de la tête ».

On peut aller plus loin et considérer cela comme le besoin de contrôler le corps des gens sous couvert de règles, et pour les écoles de filles en particulier, de « netteté ». Dans mon lycée, ici, en Ouganda, nous n’étions pas autorisées à courir ou marcher sur l’herbe. Le spectable de filles calmes marchant dans l’enceinte, entourées de pelouses vertes luxuriantes inviolées, aurait pu impressioner des visiteurs, mais qu’est-ce que cela signifie quand nous obligeons des corps à rentrer dans le moule ?  Car il s’agit de règles s’appliquant au corps même d’un être humain.

Avant que quelqu’un vienne défendre l’interdiction de l’accès aux pelouses et leur conservation, je dois préciser que mon école a été fondée par des missionnaires et créée aux fins d’éduquer suffisamment les filles pour en faire de bonnes épouses et mères pour les hommes qui sortaient des écoles de garçons (les garçons étaient éduqués pour devenir des employés du gouvernement colonial). Et personne ne voulait d’une femme qui courre et saute sur les bancs, ou qui ose élever la voix dans une salle. Il n’y avait pas de place pour ces comportements dans le monde.

Les écoles ont poursuivi dans cette veine. Le Pretoria High School for Girls n’a commencé à accueillir des filles noires qu’après la fin de l’apartheid, en 1994. Mais bien qu’elles puissent y être admises, ont-elles une place dans l’école ? Peuvent-elles exister dans le système sans plier leurs corps (et leurs cheveux) à un code acceptable qui refuse de les reconnaître ?

Pour ces filles, et toutes les femmes africaines, porter ses cheveux au naturel n’est pas un effet de mode. Il ne s’agit pas d’un style. C’est comme ça que leurs cheveux sortent de leurs têtes. C’est ainsi qu’ils poussent. Leur forme la moins transformée est probablement la coupe afro. Et pourtant, cela continue d’être un choix politique, car nous devons sans cesse prouver que nous appartenons à ce monde – or, nous ne devrions pas avoir à nous plier à une forme acceptable pour pouvoir prendre notre place dans le monde.

Par Rebecca Rwakabukoza d’Ouganda.