Les murs sont massifs, hauts, impossible d’envisager une fuite. Une fois que vous y êtes entré, vous ne pouvez en sortir que si vous êtes libéré ou mort. Oui, il y a eu une ou deux tentatives d’évasion, mais qui visiblement n’ont pas été couronnées de succès. Mukobeko est la plus haute instance pénitentiaire de Zambie et dispose du statut de sécurité maximale.

L’établissement pénitencier se trouve dans la ville de Kabwe, au centre de la Zambie. Le mot « Mukobeko » signifie punition en Lenje, la langue locale. Il a été créé dans les années 1800, bien avant que les colons n’arrivent en Zambie. Aujourd’hui, la prison de sécurité maximale de Mukobeko détient certains des hommes et des femmes les plus craints de Zambie, ceux qui sont dans le couloir de la mort et emprisonnés à vie.

Derrière ces immenses murs, il y a de la vie – une vie que nombreux ne comprennent pas. Les détenus sont très fréquemment stigmatisés dans la société zambienne. Récemment, le service correctionnel de Zambie m’y a accordé un accès illimité pour documenter la vie dans cette prison.

Cet immense complexe pénitentiaire est divisé en plusieurs quartiers. Un pour ceux qui purgent des peines à vie, un autre pour ceux qui purgent plusieurs dizaines d’années et encore un autre quartier dédié aux activités telles que la menuiserie, la couture et l’élevage de volailles.

Le quartier des condamnés à mort est le plus secret d’entre eux, un quartier rarement exposé au monde extérieur. Le Dr Guy Scott, alors vice-président du pays, l’a décrit comme « l’enfer sur terre » après s’y être rendu il y a quelques années. Situé dans la partie ouest du complexe, il abrite plus de 400 hommes qui attendent d’être exécutés. Alors que sa capacité initiale est inférieure à 48 détenus.

Portant leurs uniformes blancs qui les distinguent des autres, les condamnés à mort passent des années dans cet établissement à attendre l’inévitable. Ce sont les seuls détenus qui connaissent leur sort – la mort. Cependant, depuis les années 1990, aucun détenu n’a été pendu en Zambie, les présidents successifs ayant refusé de signer les arrêts de mort.

Dans ce quartier, la surpopulation est un problème majeur. L’ancien ministre de la Justice adjoint Keith Mukata est l’un des hommes qui attendent d’être exécutés. En 2018, il a été condamné à mort par la Haute Cour de Lusaka pour l’assassinat d’un agent de sécurité de son cabinet d’avocats.

Mukata, avocat de profession, effectuait à l’époque son deuxième mandat de député de Chilanga. Son transfert à Mukobeko pour y purger sa peine capitale a déclenché une élection partielle dans sa circonscription, qui a conduit à l’élection de Maria Langa à sa succession.

« Nous demandons à Son Excellence le Président d’envisager de gracier certains de ces hommes. Ils sont toujours absents des listes des graciés. Cet environnement change les individus, nous demandons donc une seconde chance », a déclaré Mukata, sous les applaudissements de ses codétenus du couloir de la mort.

Mukata a révélé qu’au cours de ses deux dernières années en prison, il a réfléchi à sa vie et il a repris des études pour devenir pasteur afin de pouvoir commencer à servir ses codétenus.

Chaque fois que les condamnés à mort ont l’occasion d’interagir avec des personnalités extérieures à la prison, ils n’attendent pas pour exprimer leurs remords.

Même lorsque l’occasion de chanter leur est donnée, leur message est toujours le même : NOUS SOMMES DÉSOLÉS.

Récemment, la ministre de l’Orientation nationale et des Affaires religieuses, Godfridah Sumaili, a visité le quartier des condamnés à mort et a pu constater par elle-même combien l’endroit est surpeuplé. La ministre n’a pas pu dissimuler ses sentiments.

« J’ai vu par moi-même les défis auxquels vous êtes confrontés. Je ferai un rapport à mon supérieur pour réfléchir à ce que nous pouvons faire pour vous aider », a déclaré la révérend Sumaili.

Il est même difficile de dormir ici. Les détenus sont obligés de dormir à tour de rôle car l’espace est limité. Ils s’entassent dans ces petites pièces comme des sardines.

C’est pourquoi les autorités pénitentiaires plaident en faveur de nouvelles grâces pour désengorger Mukobeko.

« Des hommes du quartier des condamnés à mort doivent être graciés pour nous permettre de réduire leur nombre. Nous avons vraiment des défis à relever en matière d’espace et nous faisons appel aux autorités compétentes pour qu’elles envisagent même de commuer leurs peines en peines d’emprisonnement à vie afin de réduire les effectifs », a déclaré le Dr Chisela Chileshe, commissaire général des services correctionnelsl de Zambie dans une interview.

Il est toutefois nécessaire de revoir le code pénal zambien dans le but de supprimer la peine de mort, en particulier lorsque les délinquants ont montré des remords, ont été réhabilités et pourraient être intégrés en toute sécurité dans la société.

Les condamnés à mort de Mukobeko ont lancé un projet d’agriculture et d’élevage de volaille dans la prison, grâce à un capital initial obtenu auprès de leurs codétenus. En 2018, ils ont demandé aux autorités pénitentiaires la permission d’utiliser cinq hectares de terres inexploitées pour un projet qui change leur vie. Aujourd’hui, le projet compte 5 000 poulets, 30 chèvres, plusieurs hectares de culture d’aubergines, de colza et d’oignons. Le mois dernier, les détenus ont récolté 3 000 têtes de choux. Ils prévoient également d’introduire l’aquaculture dans les mois à venir.

Au niveau mondial, 107 pays ont aboli la peine capitale. En Afrique, le Botswana, l’Égypte, la Guinée équatoriale, la Libye, la Somalie, le Sud-Soudan, le Soudan et le Nigeria, entre autres, continuent à exécuter des personnes. En 2018, le Burkina Faso a abrogé la peine de mort pour les crimes de droit commun, et la Gambie a annoncé un moratoire, première étape vers l’abolition. En 2020, le Tchad a aboli la peine capitale quelle que soit la nature du délit commis. Il s’agit là d’une direction que pourraient prendre la Zambie et d’autres pays du continent où la peine de mort figure toujours dans leur code pénal mais où aucune exécution n’a récemment eu lieu.