Comment favoriser la participation politique des femmes

La question de la participation des femmes dans la vie publique et la sphère politique en particulier est un défi constant partout dans le monde et ce malgré les  nombreux engagements internationaux concernant les femmes qui ont été adoptés (Déclaration de Beijing de 1995 et Résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité des Nations Unies notamment la résolution 1325 (2000) sur les « femmes, la paix et la sécurité »[1] ).

Au niveau africain, on retiendra notamment les engagements pris par les organisations régionales en particulier l’Union Africaine[2] et la CEDEAO[3] pour une participation accrue des femmes à la gouvernance et au sein des processus électoraux. Dans le prolongement de ces engagements, certains Etats ont également adopté, et mettent en œuvre des plans nationaux concernant les femmes.

Je vais mettre en parallèle deux grandes écrivaines africaines à travers leurs ouvrages,  qui, à mon sens montrent l’évolution du leadership féminin africain durant ces trente dernières années.

Première  œuvre, Une si longue lettre de Mariama Ba ,publié en 1979 à l’âge de 50 ans (Mariama Bâ est née en 1929 à Dakar) Ce roman connaît un très grand succès aussi bien au Sénégal qu’à l’échelle internationale et est traduit en plusieurs langues. Il obtient le prix Noma en novembre 1980 à Francfort. Pour la seconde œuvre, il s’agit d’une publication de la romancière Nigériane Chimamanda Ngozi Adichie  intitulée   Nous sommes tous des féministes parue en 2012.

Mariama Bâ, dans son texte traduit l’émancipation de la femme par un besoin de se libérer du joug masculin en déconstruisant l’image de la femme objet. Pour elle : « La femme ne doit plus être l’accessoire qui orne, l’objet que l’on déplace, (…) » (p.90, chap.19).

Il faut reconnaitre qu’à cette  époque il était extrêmement difficile d’accéder à l’éducation, celle qui par chance y accédait, était  vite retirée sans même terminer le cycle pour être marier au nom de la coutume et des pesanteurs sociales, les plus instruites étaient le plus souvent marginalisées. La perception de cette époque était la suivante : « L’école transforme nos filles en diablesses, qui détournent les hommes du droit chemin. « (p30).

Des années 80 à nos jours les difficultés restent les mêmes si nous nous appuyons sur la perception de Chimamanda Ngozi Adichie  dans  Nous sommes tous des féministes parue en 2012.

« Nous apprenons aux filles à se dévaloriser, à se sous-estimer. Nous leur disons : tu peux être ambitieuse, mais pas trop. Tu dois viser la réussite sans qu’elle ne soit trop spectaculaire, sinon tu seras une menace pour les hommes…. Comme je suis une fille, on s’attend à ce que j’aspire à me marier. On s’attend à ce que je fasse des choix en gardant toujours à l’esprit que le mariage c’est ce qu’il y a de plus important….Féministe : une personne qui croit à l’égalité sociale, politique et économique des sexes.

Au Sénégal les exemples de femmes aux plus hautes instances de la République sont nombreux :

Femme première ministre

Femme chef de la police nationale

Femme dans l‘armée nationale

En dépit du fait qu’elles représentent plus de 50% de la population, les femmes continuent à être victime de discriminations basées sur le genre. A compétences égales, elles n’ont pas les mêmes chances que les hommes d’accéder aux responsabilités. C’est le même constat pour  le traitement salarial, l’accès aux postes de responsabilités politiques et administratifs à tous les échelons du gouvernement. La participation équitable des femmes à la prise de décision ne constitue pas une simple exigence de justice ou de démocratie, mais une condition sine qua non de la prise en considération des intérêts de la majorité que constituent  les  femmes

Comment favoriser la participation politique des femmes et des jeunes filles ?

Les femmes doivent affronter une multitude d’obstacles pour entrer en politique.

Le vote de la loi sur la parité au Sénégal garantissant  la parité homme – femme dans les instances décisionnelles électives trouve sa source d’inspiration dans nos traditions culturelles qui conféraient à la femme des rôles institutionnels garantissant effectivement  sa participation à l’exercice du pouvoir. Cela a permis, il faut l‘avouer une bonne représentation des femmes dans les instances politiques, même si nous pouvons noter quelques difficultés dans l‘application effective de la loi. Les contraintes liées à nos réalités socioculturelles étant toujours présentes.

Cette loi, qui rend à la femme sénégalaise une partie de ses droits perdus, est en soi démocratique, juste et humaine ; elle contribue assurément au développement économique et social de notre pays.

  • Les obstacles socioculturels:
  • Un accès limité  à l’éducation et à la formation
  • des responsabilités familiales incompatibles avec le champ politique
  • un manque de moyens financiers et de réseau de solidarité
  • Le poids des préjugés et perceptions culturelles concernant le rôle des femmes
  • Lutter contre les pratiques discriminatoires comme :
  • Le fonctionnement des partis politiques : à travers un manque de volonté politique de favoriser une représentation des femmes;
  • Le cumul de fonction dans les instances politiques

Après cinq ans d’application de la parité dans les instances électives, hormis les obstacles socioculturels et les pratiques discriminatoires le défi majeur se trouve dans une représentation de qualité pour peser de façon significative dans les instances de prise de décision.

A mon sens, l’affirmation d’un leadership féminin compétitif doit être adossée à une exigence aux valeurs et principes suivants :

  • La recherche de connaissances (car le déficit de connaissance ne doit plus être un handicap avec les technologies de l’information et de la communication)
  • Le sacrifice (trouver un équilibre entre la vie familiale, sociale, professionnelle et politique)
  • L’audace (viser des objectifs que les hommes sénégalais n’ont pas encore atteints)
  • La persévérance (ne jamais baisser les bras face aux échecs, aux discriminations, jugements et intimidations)
  • La solidarité (redynamiser des collectifs de femmes comme le COSEF et le réseau Siggil Jigeen)
  • La vision (pour être mesure de décliner un agenda à même de répondre aux attentes de la femme sénégalaise du 21ème siècle)

Quelles sont les leviers qui peuvent nous permettre d’assurer une meilleure participation des femmes ?

  • Sur le plan socioculturel
  • Multiplier des initiatives et programmes d’attribution de bourses d’études spécifiquement destinées aux jeunes filles pour prolonger la durée de scolarisation des filles.
  • Réveiller « l’indignation collective des femmes sénégalaises » pour que les combats ne mobilisent plus seulement une portion de femmes.
  • Sur le plan politique et institutionnel
  • Multiplier les campagnes de sensibilisation sur le rôle politique de la femme
  • L’utilisation efficiente des Technologies de l’information
  • Encourager l’application du principe de la parité intégrale car à travers cette loi nous pouvons assister à l’essor d’une nouvelle élite politique

Le développement d’un pays est caractérisé par une dynamique de construction collective, participative et inclusive donc ne peut se faire sans les femmes ; qui non seulement constituent la majorité, mais aussi et surtout le socle socioculturelle en ce qu’elles portent l’éducation de base de toute société. C’est la raison pour laquelle leurs points de vue doivent être au centre des politiques publiques. Leur implication dans les instances de décision ne doit pas être un phénomène de mode ou de tendance, elle ne doit pas également être lié à une affaire de chiffre mais à une volonté réelle de pouvoir compter sur la sensibilité rationnelle de toutes les franges de la population pour construire, dans un mouvement d’ensemble, des consensus forts condition sine qua non pour l’émergence.

[1] Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a adopté plusieurs résolutions sur les femmes, la paix et la sécurité : Résolution 1325 (2000) ; Résolution 1820 (2008); Ré ;,solution 1888 (2009) ; Résolution 1889, Résolution 1960 (2010)

[2]  Protocole à la charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes (juillet 2003)

[3] Article 63 du Traité révisé de la CEDEAO du 24 juillet 1993