Le gouvernement guinéen à travers son ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation a annoncé, le lundi 8 août dernier, la dissolution du Front National pour La Défense de la Constitution (FNDC), une coalition de partis politiques, de syndicats et d’organisations de la société civile qui s’était opposée entre avril 2019 et août 2021 au troisième mandat de l’ancien président de la République Alpha Condé (2010-2021).

Dans son arrêté, le ministre Mory Condé accuse le mouvement citoyen « d’organiser des manifestations armées sur la voie publique tout en agissant comme un groupe de combat ou une milice privée. »

Après la publication cette décision largement relayée sur les médias sociaux dont les arguments demeurent à date introuvables sur l’ensemble des articles des lois citées, plusieurs organisations nationales et internationales de défense des droits humains ont condamné la décision de dissolution prise par la junte militaire qui dirige la Guinée depuis le putsch du 5 septembre 2021, perpétré par le Groupement des Forces Spéciales dirigé par le colonel Mamadi Doumbouya.

Les organisations ont aussi demandé  au Comité National du Rassemblement et du Développement (CNRD) de reconsidérer leur décision et par la même occasion d’ouvrir un cadre de dialogue inclusif conformément à l’article 77 de la Charte de la transition qui stipule que la durée de la transition sera fixée de commun accord entre les Forces Vives de la Nation et le Comité National du Rassemblement pour le Développement.

48 heures après l’annonce de sa dissolution par le gouvernement, le FNDC s’est fendu d’un communiqué dénonçant une « décision illégale, sans fondement et arbitraire et d’insister que la volonté de la junte de dissoudre le FNDC témoigne de la volonté de faire de l’intimidation, du harcèlement et donc de la tyrannie les leviers suprêmes de la transition. »

Annoncé à plusieurs reprises après son passage introductif dans la semaine du 20 juillet, le médiateur désigné par la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) début juillet, lors de son dernier sommet à Accra, l’ancien chef d’État béninois Thomas Boni Yayi est attendu à Conakry ce dimanche pour tenter de désamorcer la crise sociopolitique dont les manifestations ont fait déjà au moins huit morts selon les organisateurs.

Dans son communiqué, l’instance sous régionale a invité « le Gouvernement de la transition, la classe politique et la société civile guinéenne à œuvrer ensemble pour la paix en soutenant et en travaillant solidairement pour la réussite de la mission du Médiateur. »

De son côté, le FNDC et ses alliés avaient appelé ce mercredi 17 août à des manifestations pacifiques et citoyennes sur l’ensemble du pays afin d’exiger de la junte militaire « l’ouverture d’un cadre de dialogue crédible entre le CNRD, les acteurs politiques et de la société civile, le respect des droits et libertés fondamentaux, l’ouverture du procès des crimes de sang, la libération sans condition de tous les détenus politiques liés aux manifestation » entre autres.

Selon le mouvement citoyen cette journée s’est soldée par la mort de deux jeunes, une vingtaine de blessés et des arrestations. Pour le moment, le gouvernement n’a pas fourni des bilans sur le déroulement de cette manifestation couplée à des journées villes mortes dans plusieurs provinces du pays notamment dans la région de la moyenne Guinée.

Dans la nuit du 30 juillet, le coordinateur national du FNDC Oumar Sylla alias Foniké Mengué a, selon un communiqué de cette coalition d’opposition, été kidnappé à son domicile aux environs de 1h40 par un groupe de militaires et des gendarmes lourdement armés.  Le lendemain, c’est également Ibrahima DIALLO responsable des Opérations du FNDC et Saikou Yaya Barry, secrétaire exécutif de l’Union des Forces Républicaines (UFR) – un parti d’opposition guinéenne – qui furent interpellés par les services de sécurité.

Incarcérés depuis bientôt vingt jours à la maison centrale de Conakry, ils sont tous trois poursuivis par le Procureur près le Tribunal de Première Instance (TPI) de Dixinn pour « participation délictueuse à un attroupement interdit, troubles à l’ordre public, destruction de biens publics et privés, incendies volontaires, pillages et coups et blessures » en lien aux manifestations du 28 et 29 juillet. Leurs avocats ont quant à eux rejeté les différentes charges estimant que leurs clients sont innocents.

Désormais, les Guinéens attendent la fin de la mission du médiateur de la CEDEAO pour se situer quant à une éventuelle décrispation de la situation née d’un manque de confiance entre une grande partie de la classe politique, la société civile et la junte militaire. Jusqu’à date, toutes les tentatives de dialogue après l’annonce par la junte d’une durée de 36 mois pour la transition s’est avérée infructueuse.

Sally Billaly Sow

Photo: Adama Barry