Une crise diplomatique a éclaté entre la Zambie et les États-Unis suite à l’arrestation d’hommes zambiens, et à leur condamnation à une peine de 15 ans d’emprisonnement chacun pour homosexualité. C’est la peine d’emprisonnement minimum qui pouvait être prononcée contre ces accusés « d’actes contre nature ». Les deux hommes, Japhet Chataba et Steven Sambo, tous les deux âgés d’une trentaine d’années, sont les premiers Zambiens accusés et condamnés pour homosexualité.

Le 25 août 2017, une vidéo des deux hommes ensemble dans un lodge dans la ville de Zambie centrale de Kapiri Mposhi est devenue virale sur les réseaux sociaux, suscitant de vifs débats sur l’homosexualité dans ce pays très conservateur d’Afrique australe.

Dans la vidéo, Chataba ramenait Sambo dans le lodge où ils auraient eu des rapports sexuels. La vidéo faisait partie des preuves de l’accusation au cours du procès, qui était mené par le Magistrat résident à Kapiri Mposhi, Ackson Mumba, qui a condamné les deux hommes le 3 août 2018 et les a transférés à la Haute Cour de Kabwe pour que la peine soit prononcée.

La peine a suscité des déclarations très fortes de l’ambassadeur des États-Unis en Zambie, Daniel Foote, qui a ajouté divers éléments au débat.

« J’ai été personnellement horrifié de lire hier la peine prononcée contre deux hommes qui ont eu une relation consensuelle, qui ne portait préjudice à absolument personne, une peine de 15 ans  d’emprisonnement pour « crimes contre l’ordre de la nature ». Dans le même temps, des agents de l’État peuvent voler des millions de dollars d’argent public sans être poursuivis, des cadres politiques peuvent frapper des citoyens innocents pour avoir exprimé leurs opinions sans en subir les conséquences, ou des braconniers/trafiquants peuvent tuer de nombreux éléphants, couper de manière barbare leurs défenses à la tronçonneuse et les vendre, et être passibles d’un maximum de cinq ans d’emprisonnement seulement en Zambie » a déclaré l’ambassadeur Foote.

L’ambassadeur américain a ajouté :

« Des décisions comme cette sentence oppressive portent une atteinte indescriptible à la réputation internationale de la Zambie, en montrant que les droits humains en Zambie ne sont pas une garantie universelle. Ils perpétuent la persécution contre les groupes défavorisés et les minorités, tels que les individus d’autres tribus ou d’autres affiliations politiques, les albinos, les handicapés, nos frères et sœurs lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes (LGBTI) et tout individu jugé « différent ».

Cette déclaration a entraîné une vive réaction du chef de la diplomatie de Zambie.

« Le gouvernement de la République de Zambie s’insurge contre les remarques de l’ambassadeur sur la décision d’une Haute Cour ainsi que sa comparaison du cas de l’homosexualité à d’autres affaires de vols présumés par des agents de l’État, à la violence politique et au braconnage. L’ambassadeur devrait noter que toutes les affaires portées devant les tribunaux sont jugées sur la base des preuves existantes. Il est extrêmement injuste et particulièrement fallacieux de suggérer que ces affaires ne sont jamais portées devant les tribunaux » a déclaré le ministre des Affaires étrangères de Zambie, Joseph Malanji.

Malanji a ajouté que la Zambie était signataire des traités internationaux et régionaux majeurs protégeant les droits humains. Au cours d’une conférence de presse à Lusaka, le ministre des Affaires étrangères a annoncé qu’il avait téléphoné à l’émissaire américain pour exprimer la déception de la Zambie quant à sa réaction sur une affaire qu’il considère comme intérieure.

Dans le même temps, le président de la Zambie, Edgar Lungu, a déclaré à Sky News que son pays ne se laisserait pas intimider pour adopter ce qu’il a qualifié de « pratiques étrangères ». Il a ajouté : « Nous ne pouvons pas autoriser l’homosexualité en Zambie. Nous ne pouvons pas être contraints à autoriser des hommes à épouser d’autres hommes, même les animaux ne le font pas ».

L’un des diplomates éminents, Emmanuel Mwamba, a également observé que la déclaration de l’ambassadeur Foote était en contradiction avec la politique du président des États-Unis, Donald Trump, qui remet clairement en question les droits et la protection des personnes LGBTQ, promus par son prédécesseur Barack Obama.

Mwamba, un journaliste qui est actuellement ambassadeur de la Zambie en Éthiopie et auprès de l’Union africaine, affirme que les président Trump encourage les politiques favorables à la famille.

« L’administration Trump a retiré des privilèges spéciaux présentés comme des « droits » accordés à la communauté LGBTQ par l’administration Obama, en matière de santé, d’emploi, de logement, d’éducation, de commerce, d’armée et de prisons.  Le président Trump a également émis un Ordre exécutif entravant l’entrée aux États-Unis de personnes sur la base d’une prétendue discrimination ou d’un prétendu harcèlement contre les personnes LGBTQ venant de pays conservateurs qui interdisent ou ne reconnaissent pas ces droits LGBTQ. L’administration a également réduit les dépenses du Plan présidentiel d’urgence d’aide à la lutte contre le SIDA (PEPFAR) pour les programmes associés aux avortements et aux LGBTQ », a écrit l’ambassadeur Mwamba dans son éditorial publié par Mwebantu, une source d’information en ligne.

Peut-être en raison du caractère sensible de la question des relations entre individus de même sexe dans le pays, les organisations LGBTQ n’ont pas commenté ouvertement la sentence de peur de subir des représailles.