« Car, si l’on fait ces choses au bois vert, qu’arrivera-t-il au bois sec ? » – Jésus de Nazareth
Ce blogueur s’apprête à fermer boutique. Après dix ans d’exercice de son droit constitutionnel à la liberté d’expression en bloguant, il ne se sent plus en sécurité. Il semblerait que l’auto-censure soit maintenant l’option la plus sûre.
L’année dernière, il a reçu un email visant à clarifier la situation de la part d’un brave compatriote. « Je n’ai aucun problème » avec le fait de faire circuler mes commentaires, déclare cette personne. « Cependant », met-il/elle en garde, « cela pourrait poser des problèmes à l’avenir par rapport à l’application de la Loi sur la cybercriminalité » de 2015 en Tanzanie.
Si une personne aussi courageuse est si inquiète qu’elle est obligée de s’autocensurer, que ferait un lâche ? Comme nous le rappelle Shakespeare, « les lâches meurent plusieurs fois avant leur mort ». Après tout, en l’espace d’un an, plus de dix personnes – y compris le co-fondateur de Jamii Forums – ont été inculpées en vertu de la Loi sur la cybercriminalité.
En outre, le 5 février 2017, le ministre de l’Information a déclaré que la Loi sur les services média était entrée en vigueur au 31 décembre 2016. En dépit de l’opposition émanant des journalistes et des activistes, le Parlement a voté son Projet de loi et le Président a promis, avant son décès, qu’il le validerait rapidement. Au nombre des réserves émises par les critiques figurait la définition qui y était faite de la « sédition ».
L’Article 52(1)(a) de la Loi définit en partie une « intention séditieuse » comme « une intention d’inciter à la haine ou au mépris ou à la déloyauté envers l’autorité légitime du Gouvernement de la République Unie ». A la sous-section (d), la définition inclut l’incitation au « mécontentement ou à la désaffection au sein de la population ou d’une partie de la population ».
« En déterminant si l’intention pour laquelle une action a été accomplie, un mot exprimé ou un document publié, était ou non séditieuse », l’Article 52(3) stipule que « toute personne sera réputée entendre les conséquences découlant naturellement de ses actes au moment et dans les circonstances de la perpétration de ceux-ci ». L’Article 53(1) définit ensuite les délits séditieux dans les termes suivants :
« Toute personne qui (a) accomplit ou tente d’accomplir, ou conspire avec toute personne en vue d’accomplir un acte ou une omission dans une intention séditieuse ; (b) prononce des mots dans une intention séditieuse ; (c) publie, vend, propose à la vente, distribue ou reproduit toute publication séditieuse ; ou (d) importe toute publication séditieuse, à moins que ladite personne n’ai aucune raison de croire qu’il s’agit d’une publication séditieuse, commet un délit, et est passible, sur déclaration de culpabilité, dans le cas où il s’agirait d’un délit primaire, d’une amende d’un montant d’au moins cinq millions de shillings et n’excédant pas dix millions de shillings, ou d’une peine d’emprisonnement d’au moins trois ans mais n’excédant pas cinq ans, ou les deux, et en cas de récidive, d’une amende d’un montant d’au moins sept millions de shillings et n’excédant pas vingt millions de shillings ou d’une peine d’emprisonnement d’au moins cinq ans mais n’excédant pas dix ans, ou les deux ».
Pour un blog à but non lucratif, c’est une somme considérable. Plus important, les suspects sont laissés à la merci (discrétionnaire) de l’appareil d’Etat lorsqu’il s’agit de déterminer s’ils ont/avaient une « intention séditieuse » et/ou commis des « délits séditieux ». Par conséquent, les personnes avisés se monteraient prudentes sous peine d’être condamnées.
Avec une telle incertitude, il n’est pas surprenant de lire ce tweet récemment posté par le leader de l’un des parties d’opposition : « Et aujourd’hui, c’est à mon tour d’être informé par le personnel de la sécurité parlementaire que la police va m’arrêter pour sédition, les détails ne sont pas encore connus ». Par « à mon tour », il entend suite à l’arrestation du whip en chef du camp de l’opposition officielle au Parlement arrêté un jour plus tôt.
Bien entendu, il serait difficile d’accuser ce leader d’être paranoïaque ou de chercher à se faire de la publicité étant donné que le 6 février 2017, il a partagé publiquement sa rencontre avec un appareil d’Etat : « J’ai moi-même été interrogé par la police à deux reprises et écrit cet article après avoir échappé à une arrestation au motif douteux de sédition ».
Pour certains d’entre nous, dans des moments comme ceux-ci, tout ce que nous pouvons faire, c’est d’obéir à ce qu’une mère stricte dirait à son enfant : « Attention à ce que tu dis… »
« Un changement va se produire », comme le chantait Cooke. A suivre. A la prochaine.