Rien ne va plus entre Kigali et Kinshasa depuis le retour de la rébellion du M23 dans l’est de la RDC. Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir et d’armer ce mouvement rebelle. Nouveau signe de la dégradation des relations entre les deux pays, un militaire congolais a été abattu par des policiers rwandais vendredi 17 juin au poste frontière dénommé Petite barrière entre la ville congolaise de Goma et le district rwandais de Rubavu. L’incident a donné lieu à une vive tension de part et d’autre de la frontière.

Selon les témoignages, c’est le militaire congolais qui aurait ouvert le feu en premier sur des policiers rwandais avant d’être abattu. Pour Kigali, le soldat congolais a été tué lorsqu’il a fait une incursion jusqu’à 25 mètres à l’intérieur du territoire rwandais. Du côté congolais, on affirme que le militaire était plutôt dans la zone neutre de la frontière. De quoi raviver les tensions entre les deux pays.

En effet, les relations n’ont jamais été parfaites entre les deux voisins depuis le génocide des Tutsi. Ils s’accusent mutuellement de soutenir les rébellions de leurs pays respectifs, notamment les FDLR pour le Rwanda et le M23 pour le Congo.

Rupture consommée ?

Quoi qu’il arrive, la rupture semble pour l’instant consommée entre les deux pays. On en veut pour preuve le train de mesures de rétorsion prises par la République démocratique du Congo contre son voisin. Kinshasa a suspendu tous les accords de coopération qui le liaient au Rwanda. Tous les vols de la compagnie aérienne Rwandair en direction de la RDC sont également suspendus sur décision des autorités congolaises.

Les relations diplomatiques, quant à elles, ne tiennent plus désormais qu’à un fil. L’opinion publique congolaise exige l’expulsion immédiate et sans conditions de l’ambassadeur du Rwanda accrédité à Kinshasa. Le diplomate a déjà été convoqué au ministère des Affaires étrangères dans la capitale congolaise. Pareil à Kigali où la chargée d’affaires congolaise au Rwanda a elle aussi été convoquée et a reçu les protestations du gouvernement rwandais. Bref, les deux voisins se traitent en ennemis tout en disant ne pas fermer la porte à la possibilité de dialoguer.

La communauté internationale appelle à la désescalade, mais en vain jusqu’à présent. L’idée d’une force régionale de la East African Community proposée par le président Uhuru Kenyatta est mal vue par l’opinion publique congolaise, au motif que certaines des armées qui vont prendre part à cette force sont des « armées des pays agresseurs du Congo ». Allusion faite ici à l’Ouganda, au Burundi et bien sûr au Rwanda. Cependant, le gouvernement congolais accepte le déploiement de la force de l’EAC, mais à condition que les troupes rwandaises n’en fassent pas partie.

Kinshasa continue à accuser l’armée rwandaise de se battre sur son sol aux côtés du M23. Comme preuves, deux militaires rwandais avaient d’ailleurs été capturés en territoire congolais par les Forces armées de la RDC. Pour Kinshasa, il est hors de question de reprendre la coopération avec le Rwanda tant que Kigali continuera à financer et à armer le M23.

Guerre sur fond de voile ce et de discours de haine

Sur les réseaux sociaux congolais, c’est le hashtag #RwandaIsKilling (le Rwanda tue) qui bat le pavé en RDC et dans la diaspora. Par ce hashtag, les Congolais dénoncent tout ce qu’ils considèrent comme crimes et exactions des Forces rwandaises contre la RDC. Hélas, cela s’accompagne aussi de menaces et de discours de haine visant les Tutsi et les populations rwandophones du Congo. Un homme a été tué et brûlé dans la province du Maniema simplement parce qu’il avait la morphologie rwandaise.

Sur Twitter et Facebook circulent beaucoup d’appels à chasser les Tutsi de la République démocratique du Congo et à les rapatrier au Rwanda. De son côté, le gouvernement congolais s’est démarqué de tels discours en les condamnant clairement et en appelant à ne pas céder à la stigmatisation ethnique des Tutsi.

A l’allure où vont les choses et au vu de la tension de ces derniers mois, je crains que les deux pays ne restent irréconciliables.

 

Photo by AMISOM via Iwaria