« Je suis… pour la liberté de la presse, et contre toute violation de la Constitution consistant à faire taire par la force, et non par la raison, les plaintes ou les critiques, justes ou injustes, de nos citoyens dirigées contre le comportement de ses agents. » Thomas Jefferson

Il est toujours bon que les responsables politiques promettent de s’engager à protéger la liberté des médias, en particulier dans les démocraties émergentes, où cette liberté est souvent accordée en théorie, mais ne peut pas toujours être garantie dans la pratique. Dans le cas du Malawi, il est particulièrement intéressant de recevoir de telles assurances de la part du président du DPP, le parti au pouvoir, compte tenu de son bilan mitigé quant à la liberté des médias dans le pays.

Lors d’un meeting à Ndirande, à Blantyre, le vice-président du DPP pour la région du Sud, Kondwani Nankhumwa, a assuré aux médias dans le pays que le gouvernement du Malawi protégerait la liberté des médias. Sans se soucier du fait que Nankhumwa s’exprimait dans le cadre d’un meeting, et non d’une réunion du gouvernement – malgré la différence cruciale qui existe entre un parti politique au pouvoir et un gouvernement, différence malheureusement sans conséquence en politique au Malawi.

Cité par le Daily Times, Nankhumwa a déclaré :

« Nous voulons que vous sachiez que nous apprécions le travail que vous faites. Pendant le mandat du président Peter Mutharika, aucun journaliste n’a été arrêté. Cela montre que nous apprécions votre travail. »

Les élections présidentielles, parlementaires et locales approchant, le Malawi est en période de campagne électorale. Les commentaires de Nankhumwa devraient donc en grande partie être interprétés dans ce contexte. Il faut aussi interpréter les propos de Nankhumwa dans le contexte suivant : ses commentaires surviennent quelques jours après la publication par MISA Malawi d’une déclaration qui, d’une part, exige que justice soit faite pour les journalistes dont le droit constitutionnel de travailler librement dans le pays a été violé et, d’autre part, souligne qu’aucun coupable n’a été traduit en justice.  Ce contexte est très important, compte tenu en particulier de l’insistance de Nankhumwa sur le fait qu’aucun journaliste n’a été arrêté pendant le mandat du président Peter Mutharika.

Le Daily Times a publié un éditorial affirmant :

« … Bien que nous remercions le vice-président du parti au pouvoir pour la région du Sud de ses propos si apaisants, nous souhaitons que ces paroles soient traduites en actes par les responsables politiques du parti au pouvoir. Nous voulons des journalistes qui travaillent sans que personne ne soit derrière eux à surveiller ce qu’ils font. »

Tout cela est très bien, même si l’éditorial a manqué d’évoquer le contexte des garanties de Nankhumwa. Mais voici le principal problème de Nankhumwa : la liberté des médias ne devrait pas dépendre du bon vouloir des responsables politiques ; la liberté des médias doit être garantie et promue par un cadre juridique et des procédures nécessaires doivent être prises pour garantir la protection de ce cadre. Le devoir des responsables politiques est de mettre en place le cadre juridique et les procédures propices permettant aux journalistes de travailler de manière indépendante et sans aucune forme de pression.

Ce sont les fondements du processus démocratique ; ce sont dans les États autocratiques que la liberté des médias et la liberté civile dépendent du bon vouloir de ceux qui sont au pouvoir.

Des responsables politiques comme Nankhumwa peuvent être félicités de fournir des assurances progressistes lors d’un discours politique. Toutefois, les questions de politique générale ne devraient pas être discutées lors d’un meeting – il existe pour cela des procédures. Que ferons-nous la prochaine fois que les responsables politiques utiliseront cette même tribune pour promouvoir des politiques populistes qui ne sont pas progressistes ? La démocratie est une affaire d’institutions et non d’individus. C’est la seule façon dont les démocraties peuvent garantir la continuité ainsi que la protection des libertés démocratiques et individuelles.