La BBC a récemment tenu un débat sur l’Afrique à Blantyre, au Malawi. Le sujet du débat était : « Le journalisme en Afrique est-il menacé par les fausses informations ? ». La BBC a déclaré avoir organisé le débat au Malawi car les Malawiens sont des auditeurs enthousiastes et loyaux du BBC World Service. Ce qui est clairement ressorti au cours du débat, c’est que le Malawi a été choisi en raison des événements qui se sont tenus de septembre à octobre 2016, lorsque les médias sociaux malawites étaient gonflés des rumeurs selon lesquelles le président du pays, Peter Mutharika, était mort aux États-Unis où il assistait à l’Assemblée des Nations Unies.

Les rumeurs sur la mauvaise santé du président et sa mort supposée, qui ont été alimentées par un manque de communication sur les allées et venues du président pendant les semaines suivant la fin de l’Assemblée générale, sont peut-être devenues des « informations » sur les médias sociaux et certaines chaines d’« informations » en ligne s’efforçant d’être les premières à diffuser l’information. En ligne, il peut être très difficile de distinguer les sites d’informations authentiques des faux sites.

Si l’on prend en compte l’évolution de l’environnement des informations et les technologies qui ont permis ce changement, on comprend que les fausses informations sont vraiment un problème, pas seulement pour les institutions médiatiques qui tentent de rassembler et de diffuser de façon honnête des informations factuelles, mais aussi pour le public à la recherche d’informations crédibles issues d’institutions journalistiques. Cela rend le débat sur les fausses informations pertinent et d’actualité.

Pourtant, comme tous les problèmes de culture et de communication, il est important que le débat soit clairement défini : il s’agit de l’état du journalisme. Les médias sociaux peuvent faire partie du débat, mais les fausses informations concernent le journalisme, la profession, et non les médias sociaux, qui ne sont qu’une plateforme. Mon inquiétude est que la plupart des gens confondent journalisme et médias sociaux. Il existe deux problèmes liés, mais viscéralement différents, concernant cette confusion.

En Afrique, les médias traditionnels constituent un problème plus important que les médias sociaux

Les fausses informations ne sont pas nouvelles. Robert Darnton fait remonter les fausses informations, les « informations douteuses » comme il les appelle, au sixième siècle après J-C. La différence aujourd’hui est que les fausses informations ont trouvé une nouvelle plateforme sur les médias sociaux où le partage de l’information est instantané et a la magie de dépasser les frontières nationales. Ce qui est important, c’est que les organismes de presse s’améliorent en matière de vérification des faits et éduquent les gens sur la façon de déceler les fausses informations.

Tout au long de l’histoire humaine, les individus ont eu du mal à apprendre à séparer les faits de la fiction. La situation peut être différente dans le monde de post-vérité où la plupart des individus sont guidées par des émotions, et non par des faits, ce qui rend les fausses informations plus attrayantes que les faits rapportés. Aujourd’hui, les gens préfèrent entendre ce qu’ils veulent entendre, que ce soit vrai ou faux, plutôt que des informations objectives qui ne leur conviennent pas.

Pourtant, dans la plupart des pays africains, sur lesquels le débat s’est concentré, les principaux coupables, lorsqu’il s’agit de fausses informations, sont les médias contrôlés par les pouvoirs publics. Quand ils ne colportent pas de purs mensonges en faveur de ceux qui sont au pouvoir, leur péché capital est l’omission. Leur journalisme ne dit pas la vérité au pouvoir, ce n’est pas un journalisme qui vise à révéler l’incompétence ou la corruption dans les coulisses du pouvoir. L’omission d’informations essentielles et factuelles en journalisme doit être reconnue comme étant une fausse information.

Les fausses informations issues d’organismes de presse officiels tels que des diffuseurs publics ou d’État sont plus nocives que les médias sociaux, plus particulièrement dans des endroits comme l’Afrique, où la majorité des habitants du continent dépendent encore de la radio et de la télévision, et non des médias sociaux, pour s’informer. De plus, cette étude montre que la majorité des citoyens des États africains qui ont dépassé les régimes autoritaires font davantage confiance aux institutions médiatiques appartenant à l’État qu’aux autres.

… ne laissez pas les gouvernements intervenir

Comme on l’a déjà dit, les gouvernements oppressifs à travers le continent qui n’apprécient pas qu’Internet ait fourni un forum ouvert à la liberté d’expression seraient heureux d’utiliser l’argument des fausses informations pour contrôler les médias sociaux. En 2016, 50 verrouillages d’Internet ont été observés à travers le monde, la majorité de ces cas s’étant déroulés sur le continent africain.

Pour éviter cela, les fausses informations doivent être définies comme telles, sans les rattacher à des plateformes spécifiques. Les gouvernements ont de plus en plus tendance à qualifier tout ce qu’ils n’aiment pas de fausses informations. Il s’agit là d’une tendance dangereuse qui doit être évitée à tout prix.

Les craintes liées aux fausses informations sont réelles, et nous devons trouver un moyen de préserver un bon journalisme éthique qui est l’un des fondements de notre société. Nous devons pourtant éviter l’idée facile consistant à accuser les médias sociaux, ce qui pourrait inciter à laisser intervenir des gouvernements autocratiques pour contrôler un outil qui a fourni tant d’espace à l’expression de la liberté et tant de contre-pouvoirs face aux puissants.