Le Cameroun est secoué depuis quelques jours par une affaire de mœurs. Près d’une centaine de témoignages mettent en cause le nommé Hervé Bopda, présenté comme homme d’affaires, qui aurait enlevé, violenté, séquestré et violé plus d’une centaine de femmes et d’hommes dans les villes de Yaoundé et Douala au Cameroun.

Dénonciations

Tout est parti d’une dénonciation anonyme faite sur la page et les comptes du lanceur l’alerte connu sous le nom de Nzui Manto. C’est une dame qui affirmait avoir été giflée et menacée à l’arme à feu par un individu, simplement pour avoir refusé ses avances. Alors que les internautes s’indignaient de cette attitude, une déferlante de témoignages bien plus graves ont commencé à affluer.

Les victimes, hommes comme femmes, ont raconté leurs mésaventures avec le nommé Hervé Bopba. Piégées pour certaines, livrées par des amis ou connaissances pour d’autres, enlevées de force pour la plupart les victimes affirment avoir été séquestrées, violées et sodomisées par l’accusé et parfois par ses sbires avec qui il se déplace presque toujours.

D’autres informations font état de ce que le présumé violeur en série serait infecté par le VIH. De nombreux témoignages ont en effet indiqué que les victimes, après avoir été violées, ont-elles aussi été infectées par le virus du SIDA.

Mode opératoire

Des différents témoignages publiés sur les comptes de Nzui Manto, il ressort que le présumé violeur en série Hervé Bopda a un mode opératoire bien défini : lorsqu’il repère une victime, il l’aborde et, si la victime est réticente, il l’agresse physiquement et/ou la menace en brandissant son arme à feu, la forçant à monter dans son véhicule.

Dans d’autres cas, ce seraient ses hommes de main, qui approcheraient la proie au nom de leur patron. Dans ces cas aussi, selon que la victime est réticente ou pas, Hervé Bopda en personne sortirait de la voiture pour insulter, agresser physiquement ou menacer la victime de son arme à feu.

Parlant des victimes masculines, elles seraient en général piégées par des propositions d’emploi ou bien livrées par des connaissances proches de Bopda. C’est par exemple le cas de ce coach sportif qui aurait été attiré dans l’antre d’Hervé Bopda pour discuter de la possibilité de l’accompagner dans les exercices physiques et qui a fini sodomisé, ou encore ce maçon, présenté à Bopda par un ami pour une proposition de travail mais qui a lui aussi fini violé.

Les témoignages lus jusqu’ici indiquent, une fois embarquée, les victimes seraient contraintes de se livrer à certaines pratiques sexuelles (notamment la sodomie), puis menacées de mort si jamais elles dénonçaient les coupables. Le présumé violeur se déplaçant avec deux individus identifiés comme des hommes en tenue, les victimes préfèrent, dans la plupart des cas, éviter de faire des vagues.

Silence

Certaines victimes de fameux Hervé Bopda affirment avoir porté plainte, sans suite. C’est le cas de cette jeune dame qui affirme qu’après avoir déposé plainte, les éléments de la gendarmerie ont voulu faire une confrontation entre elle et l’accusé.

Craignant pour sa vie, la dame a fait comprendre aux gendarmes qu’elle ne voulait pas. Suite à ce refus, elle affirme que les hommes en tenue lui ont demandé d’aller donc gérer sont problème avec son violeur. Une autre victime affirme de son côté que ses parents ont essayé d’obtenir justice pour ce qu’elle avait subi, en vain. Elle a par la suite préféré quitter le pays de peur de représailles.

C’est un fait assez surprenant, mais depuis que début des dénonciations, les autorités camerounaises gardent obstinément le silence. Aucune action n’a depuis été prise pour faire la lumière sur cette affaire. Après plus de 70 témoignages publiés, M. Bopda n’a jamais été inquiété. Aucun communiqué ni aucune communication des autorités.

Rumeurs

Des rumeurs ont cependant circulé, annonçant qu’il serait recherché par les autorité sécuritaires. D’autres encore, indiquaient qu’il avait été convoqué à la Division de la Sécurité Militaire (SEMIL) du Ministère de la Défense.

Une lueur d’espoir qui s’est rapidement éteinte quand des personnes ont aperçu l’individu dans les rues de Douala le même jour. De plus, la SEMIL ne traitant que des affaires liées aux militaires ou prescrites par le ministère de la défense, on imaginait difficilement qu’il y soit allé pour les accusations de viol ou de séquestration.

D’autres rumeurs ont circulé, indiquant que le gouverneur de la région du littoral invitait les victimes à aller déposer leurs témoignages à la Police Judiciaire à Douala. Cependant, aucun communiqué officiel des autorités sécuritaires ou judiciaires n’a à ce jour été rendu public à cet effet.

Sur Twitter, certains comptes ont également relayé des informations attribuées aux autorités, mais sans présenter un quelconque document qui aurait pu donner du crédit auxdites déclarations.

Bataille

Le silence assourdissant des autorité camerounaises et le nombre sans cesse croissant de témoignages contre le présumé violeur et son équipe, ont poussé les internautes camerounais à se servir des réseaux sociaux pour réclamer justice.

Une pétition (avec plus de 20.000 signatures) a tout d’abord été lancée sur le site change.org. Ensuite, à travers le hashtag #StopBopda largement utilisé sur X (Twitter) et sur d’autres plateformes, les camerounais n’ont cessé de relayer les informations sur l’affaire.

Très vite, les internautes de Côte d’Ivoire ont apporté leur soutien aux camerounais en se jetant eux aussi dans la bataille. D’autres nationalités et célébrités ont suivi, ce qui a contribué à donner à l’affaire une portée internationale.

De son côté, le barreau du Cameroun, à travers sa commission des droits de l’homme, a adressé un courrier au procureur de la république auprès du tribunal de grande instance du littoral, pour dénoncer les faits et demander qu’une enquête soit ouverte.

Un collectif a également été mis sur pied pour recueillir les témoignages et accompagner les victimes présumées dans le processus judiciaire. Plus d’une vingtaine de femmes politiques, de féministes et d’activistes ont également signé un document à l’intention des autorités camerounaise dans lequel elles demandent que justice soit rendue aux victimes.

Toute cette mobilisation n’a pas encore fait sortir les autorités camerounaises de leur indifférence.

Réseau

Les témoignages des présumées victimes laissent clairement entendre qu’il existerait au Cameroun un réseau de proxénètes qui passent par certains « influenceurs » pour recruter des jeunes filles et jeunes garçons qui seront ensuite utilisés dans des soirées spéciales organisée à cet effet. Quelques noms reviennent donc celui d’un certain Wilson Dacosta, et ceux de quelques artistes locaux et internationaux.

Selon les témoignages, des castings de miss ou des offres d’emploi comme hôtesse ou mannequin seraient proposés aux jeunes filles et garçons pour les attirer dans le piège et les livrer dans les réseaux de proxénètes.

De hautes personnalités de la république seraient-elles impliquées dans ces réseaux ? Si oui, cela expliquerait-il le laxisme des autorités quant à l’ouverture d’une enquête ?

De nombreuses questions restent posées alors que le mystère autour de l’affaire Bopda s’épaissit.

Inertie

En réalité, l’attitude des autorité camerounaises face aux agressions sexuelles n’a pas de quoi étonner. Le cas Hervé Bopda a beau être scandaleux par le nombre de victimes, il n’est cependant pas le premier qui a été dénoncé sans aucune action concrète.

Il y a eu le cas Mirabelle Lingom, une jeune femme accusée à tort d’apparaître dans une sextape et qui avait essayé d’obtenir justice en trainant ses diffamateurs, bien connus pourtant, en justice avec l’aide d’avocats. En vain. La plainte déposée au commissariat était restée lettres mortes. Mirabelle a eu un destin tragique : violée, elle est décédée peu de temps après de façon inexpliquée. Justice ne lui a jamais été rendue.

Plus ancien, le cas d’une jeune demoiselle nommée Bonita, qui accusait un journaliste bien connu d’avoir abusé d’elle en lui promettant un stage en journalisme dans la structure où il travaillait. Là aussi, malgré les plaintes déposées et les dénonciations, l’affaire s’est terminée en queue de poisson.

Le cas le plus récent, c’est probablement celui qui oppose le président de la Commission des Droits de l’Homme du Cameroun à une de ses collaboratrices qui l’accuse de harcèlement sexuel. Malgré la plainte déposée la victime est en train d’être virée.

Peut-on attendre un meilleur traitement de l’affaire Bopda ?

Moudjo Tobue