L’ex-président Ivoirien, Laurent Gbagbo, a regagné la Côte d’Ivoire après 10 ans passés en prison à la Haye. Son départ pour la Cour pénale internationale avait fracturé la nation Ivoirienne. Son retour au pays pourrait donner un nouvel élan à la réconciliation nationale tant désirée.

L’ancien président de Côte-d’Ivoire, Laurent Gbagbo, avait été inculpé sous quatre chefs d’accusation de crimes contre l’humanité liés à la violence de l’élection présidentielle de novembre 2010. En effet, la crise post-électorale de décembre 2010 à avril 2011 avait occasionné 3000 morts.

Son transfert à la Haye avait suscité une profonde désolation dans les rangs de l’opposition et parmi son électorat qui, selon les « résultats » contestés de l’élection présidentielle de 2010, représentait 42% du suffrage exprimé.

  Gbagbo ou rien

Sous le choc et surpris du transfert de leur leader politique, les partisans de l’ex-président Laurent Gbagbo et une frange de son parti politique, le Front populaire Ivoirien (FPI), ont formé une branche appelée « Gbagbo ou rien » ou « GOR » en abrégé.

Remettant en cause les poursuites de la Cour pénale internationale contre son champion, cette faction a adopté une position hostile au dialogue avec le pouvoir en place. Elle soutenait qu’aucune réconciliation n’était envisageable tant que son leader politique se trouvait toujours devant les juridictions internationales.

Cette contestation avait amplifié les fractures politico-régionales, notamment entre le nord dont est issu le président Alassane Ouattara et le sud fief de l’ex-président Laurent Gbagbo.

C’est seulement sur la promesse d’un retour de son leader politique que la frange des GOR avait fait le choix d’aller aux élections législatives de mars 2021, en coalition avec d’autres partis de l’opposition pour reconquérir quelques sièges et calmer le jeu politique.

Après une décennie d’absence, Laurent Gbagbo a atterri en Côte d’Ivoire le 15 juin dernier, soit trois mois après son acquittement définitif de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale (CPI).

L’accueil triomphale qui lui a été accordé par ses partisans démontre qu’il demeure « un acteur majeur » de la vie politique Ivoirienne.

Le politique franchit le pas

Le feu vert donné par son rival politique Alassane Ouattara pour son retour au pays est un geste fort du pouvoir actuel qui a même annoncé que l’ancien chef d’État va bénéficier des avantages dus aux anciens présidents (logement, sécurité, salaire, personnel…).

Si cette démarche de l’actuel président a été accueilli favorablement par une frange de la population Ivoirienne, certains craignent et dénoncent une réconciliation qui se fait au prix de l’impunité.

« Comme recette à la réconciliation, certains, surtout du point de vue politique, réclament la libération de tous les prisonniers dits politiques, ainsi que le retour de tous les exilés au pays. Bien que d’accord, je pense qu’il faut aller plus loin avec la réflexion. Jouir de ses droits civils, être dans son pays selon son gré, c’est un droit élémentaire et fondamental, mais n’oubliez pas que tous ces acteurs étaient en Côte d’Ivoire en 2010 ou encore en 2001 (année du forum national de la réconciliation). Mais, cette présence n’a pas épargné le pays des atrocités depuis 2002 jusqu’à 2011, sans oublier 2020. Du coup, une partie du problème dépend plus de l’attitude et de la volonté des acteurs politiques que de leur présence physique de mon point de vue », explique le sociologue Fona Konaté.

Il faut noter par ailleurs que les deux hommes n’ont toujours pas entrepris de se rencontrer. L’ancien président Laurent Gbagbo qui a dirigé la Côte d’Ivoire de 2000 à 2010 n’a jamais reconnu la victoire d’Alassane Ouattara à la présidentielle de décembre 2010.

« L’arrivée du président aura forcément un impact significatif sur la réconciliation nationale. Mon rêve c’était de voir une autorité officielle l’accueillir à l’aéroport, mais ça n’a pas été le cas.  Le plus important, c’est de se dire que Laurent Gbagbo est en Côte d’Ivoire et de voir comment appréhender la réconciliation nationale. Je pense qu’il jouera pleinement son rôle pour que la Côte d’Ivoire soit réconciliée », soutient Soumaila Touré.

En définitive, le retour de l’ancien président a bel et bien redonné un élan au processus de réconciliation en Côte d’Ivoire. Tout n’est toutefois pas gagné d’avance, car il lui faudrait davantage jouer la carte de l’apaisement.

 

 

Crédit photo : Nadi Jessica