Emmerson Mnangagwa, le président zimbabwéen, a prêté serment le 24 novembre 2017, remplaçant le président Robert Mugabe, renversé par un coup d’État militaire. Le 24 novembre marquait exactement trois ans depuis l’accession de Mnangagwa à la présidence du Zimbabwe.
Les malheureux événements de novembre 2017 resteront à jamais gravés dans les mémoires comme le jour où le Zimbabwe a fait ses adieux à la « démocratie », les apparatchiks militaires ayant pris le contrôle de la gestion du gouvernement central. Alors qu’une majorité de Zimbabwéens voulaient le départ de Mugabe, nous sommes devenus aveugles et avons voulu qu’il parte par tous les moyens possibles, tout en permettant à Mnangagwa l’opportuniste et à ses généraux de détourner les émotions du peuple et de faire passer toute l’opération pour une « révolution populaire ».
Pour certains, voir Mugabe partir était le signe d’une « nouvelle aube », d’autres parlaient de « jour de l’indépendance », tandis que les architectes du coup d’État lui donnèrent le nom de « nouvelle dispense », un acte désespéré pour aseptiser la destitution inconstitutionnelle d’un chef d’État en exercice. La majorité des coups d’État en Afrique n’ont pas réussi à produire de dispenses démocratiques, et le nôtre n’a pas fait exception ; nous citerons par exemple Obiang en Guinée équatoriale, Museveni en Ouganda, Guelleh à Djibouti, Sassou Nguesso en République du Congo, Abdel Aziz en Mauritanie, Bashir au Soudan et Deby au Tchad. Il était clair dès le départ que l’opération Restore Legacy n’avait rien à voir avec la relance de l’économie, la fin de la corruption, les réformes politiques visant à faire entrer le Zimbabwe dans un ordre démocratique si l’État de droit était respecté et si les citoyens jouissaient des libertés civiles.
Dans un article, le professeur Jonathan Moyo a mentionné sept demandes clés faites par les militaires le 16 novembre 2017 au président Mugabe, par l’intermédiaire du commandant des forces de défense du Zimbabwe de l’époque, le général Constantino Chiwenga, pour justifier l’opération Restore Legacy. Étions-nous si naïfs que nous n’avons pas su lire entre les lignes du discours de Chiwenga pour comprendre que les militaires s’étaient immiscés dans les affaires internes d’un parti politique ? Au lieu de cela, nous avons jubilé, et chacun de notre côté, nous avons fait l’éloge de militaires qui pendant ce temps violaient la constitution du pays.
J’estime, pour ma part, que c’est le jour même où notre conscience politique s’est évaporée. En tant que Zimbabwéens, nous étions trop désespérés, trop excités, nous avions oublié toute logique et en effet, nous célébrions l’égalisation avant la coupe. Nous sommes dans une impasse et nous n’avons personne d’autre à blâmer que nous-mêmes, car Mnangagwa et ses sbires contrôlent désormais fermement les leviers du pouvoir. Depuis leur arrivée au pouvoir, ils ont usé de tous les instruments disponibles pour fermer l’espace démocratique : arrestations, enlèvements et disparitions sont désormais à l’ordre du jour. La nouvelle dispense semble être sur un sentier de guerre visant à museler l’opposition.
La constitution a été littéralement suspendue, des instruments statutaires étant utilisés pour maintenir le ZANU PF au pouvoir. Depuis, le Parlement a été réduit à néant, avec des rappels et la prestation de serment des candidats perdants aux élections de 2018. Quel dommage ! Les amendements proposés à la constitution sont une tentative calculée d’imposer un système de gouvernance à parti unique au Zimbabwe et les citoyens doivent être vigilants et défendre la constitution.
Le pouvoir judiciaire est désormais fortement compromis, rendant des jugements bizarres et partiaux, ce qui compromet l’indépendance du pouvoir judiciaire. N’oublions pas qu’il s’agit du même système judiciaire, qui a légitimé de manière controversée une prise de pouvoir illégitime en 2017. Si la dernière proposition des juges de la Haute Cour et de la Cour suprême confirmant l’existence de la capture du pouvoir judiciaire par les politiciens doit passer, alors vous savez que nous n’irons nulle part, et très vite.
Il est maintenant clair pour tous que la soi-disant nouvelle dispense n’était qu’une ruse, une tromperie de par sa nature et sa spécificité comme nous avons pu le voir, un ancien modèle qui n’a rien de nouveau. Comme une bougie dans le vent, la nouvelle dispense de Mnangagwa ne durera pas, sa flamme est bien trop délicate, « elle brûle avec éclat », mais le vent étouffera prématurément sa durée de vie transitoire.
Ce qui est nouveau, c’est que Mnangagwa a remplacé Mugabe et qu’en trois ans seulement, il a fait du Zimbabwe une république bananière où la corruption, le pillage et la violation des droits humains sont devenus la pierre angulaire de son style de leadership capricieux. Le mantra « Zimbabwe Open for Business » s’est dissipé en étincelles emportées dans les airs, et même les Britanniques, qui ont apporté le soutien au coup d’État, s’en mordent les doigts de honte. Tout s’effondre et il faudra un miracle pour rétablir l’édifice.
Une majorité de Zimbabwéens ont maintenant vu par eux-mêmes qu’ils avaient été dupés en approuvant un coup d’État militaire et réalisent maintenant que le pays nage en eaux beaucoup plus troubles que nous ne l’avions jamais imaginé. Les solutions à un tel gâchis nécessiteront que toutes les parties prenantes entament un dialogue national, sans quoi le Zimbabwe restera un État paria. Une mobilisation massive pour un mouvement populaire est avant tout nécessaire, pour donner naissance à une alliance plus large des forces progressistes si les citoyens veulent reconquérir l’espace qui leur revient.